Le Mâconnais : une terre de bonnes affaires en Bourgogne
Cette extrémité sud de la région Bourgogne s’imbrique dans le nord du Beaujolais comme ses collines contournent les ruisseaux et creux de son paysage. A vrai dire, on ne sait pas où commence l’un et où finit l’autre. La frontière est là, mais intangible et un peu artificielle. Comme symbole de cette proximité intime, le fils le plus célèbre du Beaujolais, Georges Duboeuf, est originaire de Saint-Véran, dans le Mâconnais. Et cette confusion de voisinage s’étend aussi à l’encépagement. Les rares blancs du Beaujolais sont issus du seul chardonnay, comme le sont les grandes quantités de blancs produits dans le Mâconnais, et dont les appellations les plus prestigieuses lui sont exclusivement dédiées. Je rappelle, au passage, que le village appelé Chardonnay se trouve dans le Mâconnais, il serait donc presque légitime (bien que probablement faux sur le plan botanique) de dire que cette région est un peu la « mère » du cépage blanc le plus célèbre du monde ! Quant au cépage gamay, banni par le Duc de Bourgogne Philippe le Hardi de la Côte d’Or au 14ème siècle, s’il est le seul ingrédient des rouges du Beaujolais, il est également largement autorisé dans le Mâconnais, où il côtoie, en roturier, le noble pinot noir. En somme, le Mâconnais nous offre une transition entre le coeur de la Bourgogne et le Beaujolais.
Mais le potentiel qualitatif de cette belle région bucolique ne fait aucun doute, depuis au moins 20 ans. Des preuves ? Les successives flambées de prix subies, en particulier sur des marchés nord-américains, par les vins de son appellation la plus célèbre (et la plus difficile à prononcer pour un anglophone) : Pouilly Fuissé. Puis l’arrivée de producteurs du nord, et parfois même très au nord, attirés par le potentiel et les prix de terres bien plus accessibles qu’en Côte d’Or. Jean-Marie Guffens (un belge) est arrivé à Vergisson, village situé dans l’appellation Pouilly Fuissé, dans les années 1980. Il a depuis fait sa place parmi les meilleurs producteurs de toute la Bourgogne, entre les vins de son petit domaine et son excellente production de négoce sous le nom Verget. Et son travail, avec un certain retour à des traditions bien comprises (labour des sols, rendements réduits, récolte triée, vinification « simple » mais très soignée) a fait des émules parmi la jeune génération. Dominique Lafon, du très prestigieux Domaine du Comte Lafon à Meursault, l’a suivi un peu plus tard. Il produit aujourd’hui de magnifiques mâcons blancs, plus accessibles en prix, mais qui disparaissent presque aussi vite des magasins que ses vins « cultes » de Meursault. Des grands noms du négoce Beaunois ou Beaujolais ont aussi pris place dans le Mâconnais.
L’essentiel de la région conserve son aspect campagnard, juste un peu vigneron, car la vigne est loin de constituer la seule activité. Hormis la zone du sud, qui entoure les Pouilly (car, autre que le célèbre Fuissé, les villages de Loché et de Vinzelles ont aussi droit à leur appellation « trait d’union ») et leur voisin Saint-Véran, les vignobles sont disséminés sur des collines dont une bonne partie est dédié au bois ou à l’élevage. Et les expositions variables et les vallées dispersées modifient aussi la donne par rapport à ce long ruban de vignes qui court, du nord au sud, entre Dijon et Châlons-sur-Saône, formant la majeure partie de la Bourgogne viticole. Les appellations du Mâconnais sont nombreuses, comme toujours en Bourgogne, mais un peu moins qu’en Côte d’Or. On a parfois l’impression que chaque village aimerait avoir sa propre appellation ! Le vin régional s’appelle simplement Mâcon, qu’il soit rouge ou blanc, puis il y a les dénominations suivantes, uniquement pour des vins blancs : Mâcon Villages, avec souvent un nom de village attaché (comme Chardonnay, Clessé, Milly etc),Viré-Clessé, Saint-Véran, Pouilly Fuissé, Pouilly-Loché et Pouilly Vinzelles.
La modestie des prix obtenus depuis longtemps par les vins du Mâconnais, à quelques exceptions près, ajoutée à la faible taille des domaines (un constant en bourgogne) a nécessité la constitution de caves coopératives qui dominent la production dans la partie septentrionale de cette sous-région. Tandis que, dans le sud, avec ses appellations plus huppées, la vigne donne de quoi vivre à des domaines dont la seule activité est le vin. Mais cela na pas empêché certains nouveaux arrivants de s’intéresser aux « simples » Mâcon Villages. Cet afflux de compétences externes a donné d’excellents résultats sur le plan qualitatif, et on peut dire que les vins du Mâconnais recèlent aujourd’hui bon nombre des meilleures affaires de toute la Bourgogne.
Certains des meilleurs producteurs de cette génération parfois jeune se sont regroupés dans une association appelée « Les Artisans Vignerons de Bourgogne du Sud ». Ils s’appellent Barraud, Guillot-Broux, Combier, Jeandeau, Lafon, Maillet, Merlin, Pauget, Château des Rontets, Saumaize, Saumaize-Michelin, Domaine Sainte Barbe, Soufrandière (Bret Brothers), Thevenet, Domaine des Vignes du Maynes, Domaine Valette. Ils portent résolument leur effort sur un travail qualitatif à toutes les étapes, et la dégustation de leurs vins leur donne globalement raison, même si, de temps en temps, on peut déplorer quelques excès de zèle autour du mythe du vin « naturel », qui pêche nécessairement par une absence de stabilité chimique (et donc aromatique). Les vins de Guillot-Broux et de Valette sont malheureusement souvent dans ce cas. De trop nombreuses bouteilles de ces deux producteurs oxydées, pétillantes ou aromatiquement bizarres nous a appris à s’en méfier. Notre dégustation donne quelques indications quand à nos préférences parmi les vins de ce groupe. Mais il faut rajouter, parmi les très bons producteurs dans les différentes appellations du Mâconnais, le Château de Beauregard, le Domaine de la Croix Senaillet, le Domaine des Deux Roches, le Domaine Ferret-Lorton, le Domaine Rijckaert, et, bien sûr, le Domaine Guffens-Heynen. En bon natif de Saint-Véran, Duboeuf produit aussi un très bon vin sous cette appellation.
Le style des vins blancs
Nous nous sommes focalisés sur les vins blancs, de loin majoritaires dans la région. En regardant une carte de France et en constatant la positionnement « sudiste » de ces appellations en Bourgogne, la première supposition serait d’imaginer des vins relativement puissants, et en tout cas plus riches que ceux de la côte de Beaune. Il n’en est rien, car les vins, dans leur très grande majorité, sont très fins de texture et assez vifs, sans atteindre le caractère tranchant des chablis. Le milieu naturel, fait de collines et d’orientations variables, y est certainement pour beaucoup.
Nos vins préférés
Mâcon et Mâcon Villages
Domaine de la Croix Senaillet, Mâcon 2006
Notes de noisette de d’épices douce. Saveurs nettes et finesse de texture.
La Soufrandière, Mâcon-Vinzelles, Clos de Grand Père 2005
Précis et très fin dans ses saveurs. Alerte et salivant.
Domaine Lafon, Mâcon-Milly, Lamartine 2005
L’acidité est fine et persistante. Vin fin et long.
Domaine Lafon, Mâcon-Chardonnay, Clos de la Crochette 2005
Fin et assez puissant, au boisé élégant, avec une belle longueur
Domaine Merlin, Mâcon –La Roche Vineuse, vieilles vignes 2005
Succulent et équilibré, avec une précision délicate des saveurs
Viré-Clessé
Domaine Jeandeau, Viré-Clessé 2005
Beau style dans le registre fruité, bien serré autour d’une belle acidité. Long
Domaine Sainte Barbe, Viré-Clessé 2005
Fin et joliment fruité ce vin possède structure et longueur
Domaine Valette, Viré-Clessé 2004
Vin complexe et long
Saint-Véran
Domaine Combier, Saint-Véran, Les Mandeliers 2005
Le nez est complexe avec des notes d’épices. Fin, dans un style assez gras.
Domaine Combier, Saint Véran, Grande Cuvée 2003
Le boisé est aussi bien présent mais bien intégré à l’ensemble. Sa puissance naturelle est bien maîtrisée par un long élevage, donnant un vin très long. Superbe.
Domaine de la Croix Senaillet, Saint-Véran, La Grande Bruyère 2006
Jolies arômes floraux. Belle sensation de fraîcheur et des saveurs précises, accompagnées d’une bonne persistance
Domaine Saumaize, Saint Véran, vielles vignes des Crèches 2005
Vibrant et alerte, avec un bon équilibré acidité/fruit et pas mal de complexité.
Pouilly (Fuissé et Vinzelles)
La Soufrandière, Pouilly-Vinzelles 2005
Plus structuré que le mâcon de ce domaine, donc un peu plus austère à ce stade. Le coeur du vin possède un fruité souple mais très dense
Château des Rontets, Pouilly Fuissé, Clos Varambon 2005
Son style est ciselé, tout en finesse, avec des parfums délicats sur un fond assez minéral
Château des Rontets, Pouilly Fuissé, Pierrefolle 2005
Dans un style plus gras que le précédent, il en garde toute la finesse de texture et une acidité parfaitement fondue dans l’ensemble
D&F Barraud, Pouilly Fuissé, en France 2005
Serré et intense, son style un peu austère favorisera une petite garde.
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