Existe-t-il un goût « féminin » pour le vin ?
J’ai décidé de faire deux chroniques sur ce sujet en lisant un communiqué du Groupe Marie-Claire sur un récent sondage effectué par le CSA pour la revue Cuisine et Vin de France et son supplément Le Vin et les Femmes.Je note, au passage, que la couverture de cette édition spéciale ne résiste pas à un certain racolage en mettant en avant, d’une manière très visible, un article intitulé « SEXE : ma libido révélée par le vin » ! Mais je reviendrai sur le fond de ce sondage, qui contient des choses intéressantes, après un constat général et une prise de position.
« Les femmes et le vin » est un sujet à la mode depuis quelque temps. Les associations de femmes du vin, les divers prix qui récompensent les femmes dans le vin, et les articles sur les femmes et le vin se multiplient ces temps-ci. Il y a même un concours de vins dégustés uniquement par les femmes, et des restaurateurs proposant uniquement des vins produits par des femmes. Il faut croire qu’il s’agit de ce qu’on appelle un « créneau porteur », un peu comme le « bio » ou le vin rosé.
Autant annoncer mon opinion sur ce sujet tout de suite, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté. Je ne crois pas à un goût spécifiquement « féminin » en matière de vin, mais il y a des choses à développer sur ce sujet, car tout n’est pas affaire de goût. Et avant que l’on m’accuse d’être un affreux machiste, j’ajouterai que je suis très favorable à tout ce qui peut augmenter le poids des femmes (je parle du nombre bien entendu, pas du poids corporel !) dans tous les métiers du vin. En général, je trouve que tout ce qui tend à donner aux femmes leur juste place (c’est à dire environ 51% sur un plan purement statistique) dans tous les aspects de la société est une très bonne chose pour l’humanité. Je pense aussi que si nous étions gouvernés par des femmes, nous aurions bien moins de guerres, d’extrémismes de tous bords et autres horreurs contemporaines. Mais retournons à notre sujet qui est « est-ce qu’il existe un goût féminin dans le vin ? »
Voici quelques titres du communiqué issu de ce sondage sur le vin et les femmes, que je vais commenter. Je tiens à dire que je ne suis pas du tout statisticien et que mes commentaires portent plus sur le fond du sujet que sur la forme de ce sondage dont j’ignore la méthodologie.
Les vins quittent leur statut de boisson virile
Il est vrai que jusqu’à récemment, la carte des vins était toujours proposée à l’homme dans un restaurant. Cela pourrait être un phénomène spécifique à certaines cultures. Si vous allez au Japon, par exemple, vous serez frappé de voir que plus de la moitié des clients dans les bars à vins sont des femmes. Mais il est vrai que, dans la plupart des restaurants en Europe, le sommelier tendra spontanément la carte des vins à l’homme, plutôt qu’à la femme, lorsque l’un et l’autre sont présents à la table. C’est en train d ‘évoluer, mais lentement. On commence à demander à qui il faut donner la carte ou qui veut déguster. Le vin n’est plus l’apanage des hommes, et c’est tant mieux, mais il reste du chemin à faire !
89% des femmes déclarent apprécier le vin de plus en plus depuis qu’elles ont appris à le connaître (contre 85% des hommes).
Je ne sais pas si cet écart est considéré comme significatif, mais je pense qu’il pourrait être le reflet d’une plus grande humilité des femmes envers la découverte du vin. La notion « d’apprendre » est la clef de cette question, me semble-t-il. Dans mon expérience d’enseignant (ma société a pour nom « Connaître & Apprécier »), certains hommes ont tendance à étaler leur savoir et à penser qu’ils « connaissent » le vin. Tandis que les femmes restent plus souvent à l’écoute et sont, je dirais, plus ouvertes d’esprit. Ce sont là des généralités, bien sûr, mais cette différence constatée dans le sondage ne me surprend pas.
Je répète mes positions de principe :
- je suis très favorable à une représentation proportionnelle des femmes dans les métiers du vin, comme ailleurs ;
- je ne crois pas à une différence fondamentale entre le goût des femmes et des hommes.
Mais il y a d’autres facteurs qui jouent, ce qui rend le débat intéressant.
76% des femmes seraient responsables des achats de vins
Je ne sais pas interpréter clairement ce chiffre donné dans le communiqué du groupe Marie Claire, propriétaire de Cuisine et Vins de France. Est-ce que cela veut dire 76% de toutes les femmes ? Je ne le pense pas. Peut-être plutôt 76% des femmes interrogées. Dans ce cas c’est tout à fait significatif, mais il faudrait un peu affiner ce chiffre. Par exemple, en demandant quelle est la proportion de lecteurs/lectrices de ce journal.
63% disent que les vins d’aujourd’hui sont davantage en adéquation avec le goût des femmes
On ne donne pas, dans ce cas, un chiffre comparatif pour les hommes. On ne peut donc qu’imaginer son contenu. Globalement je crois que les vins d’aujourd’hui sont mieux faits et plus aimables que les vins d’il y a 20 ans. Je suppose donc que les hommes peuvent en dire autant.
Le sondage reconnaît que les femmes et les hommes sont d‘accord pour dire que le vin est fait pour la table et en accord avec un plat
Mais seulement 38 ou 39% de chaque sexe tout de même… On se demande ce que pensent les autres ! Mais ce critère de sélection vient avant celui de l’appellation, du prix ou du millésime.
Près de 60% sont capables de faire la différence entre un vin courant et un grand vin
On ne dit pas, dans ce cas, si cette différence annoncée est déterminée par le prix, par l’étiquette, ou par le goût. Et là, je pense que les hommes peuvent être plus facilement dupés que les femmes par des « aspects extérieurs de richesse ».
En conclusion, on pourrait avancer l’hypothèse suivante : les femmes n’ont pas un goût fondamentalement différent des hommes mais elles sont, peut-être, moins influençables par des a priori sur le vin, tels qu’une supposée qualité qui résiderait dans des attributs extérieurs (le nom, l’origine, l’étiquette, etc).
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