Trois champagnes d’exception
Rituellement, les champagnes ont une large voix au chapitre en cette période des fêtes de fin d’année. Leur vitrine est d’ailleurs pléthorique et tout un chacun fait son choix suivant ses affinités ou de multiples motifs, si ce n’est sous l’emprise du pouvoir d’influence des marques de grande diffusion. En tout cas, voici trois champagnes en édition limitée façonnées pas des maisons où l’artisanat est l’inspiration, sinon la règle. Des cuvées qui résument leur excellence, chacune sous des traits bien distincts, mais toutes réunies sous le signe d’un rare enchantement ! Découvrons-les…
Présentation (par ordre alphabétique)
Champagne Barons de Rothschild
Champagne Drappier ➤ cliquer ici pour y accéder directement
Champagne Veuve Fourny & Fils ➤ cliquer ici
Champagne Barons de Rothschild
Champagne Barons de Rothschild est une jeune marque, mais ses racines plongent dans une lointaine tradition, celles d’une famille qui œuvre depuis deux siècles pour le prestige du vin, celui attaché aux plus grands Bordeaux, les Grands Crus Classés, et aux tout premiers d’entre eux. Ainsi, les noms de Lafite-Rothschild et de Mouton-Rothschild et l’excellence qu’ils représentent trouvent désormais un écho en Champagne à travers des cuvées en résonance avec l’esprit d’exigence que recouvre une signature commune. Audacieuse s’il en est, cette initiative s’apparente à celle qui a vu naître Château Clarke, fruit d’un défi sans compromis.
L’élégance qui prime dans la perception du chardonnay en Champagne a immanquablement inspiré le style de la maison, dont l’âme s’incarne dans ce cépage. Aussi avait-elle pour devoir d’aller à ses sources les plus prisées, les hauts-lieux que sont des Premiers et Grands Crus en Côte des Blancs. Ces mêmes statuts en Montagne de Reims situent les origines du pinot noir, son allié dans les cuvées où ils sont assemblés. La complémentarité de ces terroirs façonne l’identité de chaque cuvée en relation avec sa vocation, une heureuse synthèse qui transparaît d’autant mieux que l’artefact du dosage y est minime.
Implanté à Vertus, un village de la Côte des Blancs, le cœur « technique » de la maison abrite ses lieux d’élaboration et de vieillissement. Les vinifications y sont segmentées à l’aune de l’origine des raisins, un mode opératoire appelé à être encore plus efficient dans un proche avenir, à la faveur d’une nouvelle cuverie. Un soin particulier est porté aux vins de réserve, base fondamentale dans l’assemblage des cuvées dont ils constituent une part importante. Le critère du vieillissement est également élevé, puisqu’un minimum de 4 années est requis pour la cuvée Concordia, emblématique de la marque, tandis que les millésimés veillent pendant 8 ans avant de voir terminé leur cycle de champagnisation.
Les différentes cuvées se répartissent en trois gammes et autant d’éventails de la griffe Barons de Rothschild. Fruits d’une partition où chardonnay et pinot noir jouent presque à parité, les cuvées « Invitation » s’affilient ainsi à la tradition champenoise de l’équilibre et du raffinement. Affirmant l’affinité de la maison pour le chardonnay, le label « Signature » recouvre quant à lui des expressions faisant figure d’hymnes au chardonnay. Littéralement forgé par ce cépage avec juste une touche de pinot noir, le Rosé bénéficie des essences les plus prisées de la Côte des Blancs, au même titre que son homologue en Blanc de Blancs. Au faîte de son savoir-faire, le duo « Collection » désigne des champagnes millésimés également déclinés dans les deux couleurs. Leur confection se fonde sur l’exigence qu’impose leur noblesse, faite à partir de chardonnays issus de parcelles exclusives au sein de Grands Crus en Côte des Blancs.
Rare Collection Blanc de Blancs 2013
Il retient d’emblée par une ambiance aromatique d’une fraîcheur saisissante et d’où émane un parfum de viennoiserie sur un accent beurré, alternant tour à tour avec une note finement boisée, un soupçon d’agrumes et un horizon minéral. Une sensation de plénitude et d’amplitude gouverne une bouche gagnée par la dynamique d’une bulle raffinée et d’une texture juteuse. Participant de cette verve, un filet succulent et pénétrant au goût de pulpe d’agrumes vient doubler des saveurs fusionnant les arômes. Une empreinte minérale prenant forme dans un grain soyeux et d’une essence saline lui procure une finale d’une sapidité des plus stimulantes.
www.Champagne Barons de Rothschild
Champagne Drappier
Matérialisé par des caves voûtées, le fondement historique de cette maison familiale remonte au XIIème, précisément à 1152, année elle furent construites par l’ordre cistercien. Cet enracinement vénérable vaut également pour ses vins puisque l’ancêtre du pinot noir – le possible morillon noir – y fut alors planté. Pour autant, rien de passéiste ne caractérise l’œuvre actuelle de la famille Drappier, établie en 1808 sur ce site mémorable à Urville, dans le département de l’Aube, où s’étend la région champenoise de la Côte des Bars.
En effet, en 2016, le Champagne Drappier a été le tout premier domaine champenois à être certifié officiellement « carbone neutre », avec tout ce cela sous-entend en matière d’énergie alternative et de recyclage. D’autres engagements situent la maison parmi les plus progressistes de la Champagne vis-à-vis du respect de l’environnement, sa conduite en bio, toute évidente, se complétant d’autres pratiques de nature écologique, ainsi le labour au cheval. Cette philosophie ne limite pas au cadre de sa production et s’étend à des considérations organoleptiques sur l’intégrité des vins, l’utilisation minimale des sulfites n’étant pas la moindre des astreintes auxquelles elle s’est soumise. Ayant acquis respect et notoriété sous la houlette de Michel Drappier, la maison voit aujourd’hui agir sa huitième génération vigneronne, incarnée par Charline, Hugo et Antoine.
Le terroir d’Urville est foncièrement calcaire, sa nature correspondant à celle du chablisien, appelée Kimméridgien Supérieur, nom de la période géologique qui a vu sa formation au sein du Jurassique. Alliant marnes et calcaires, il est particulièrement propice à l’expression du pinot noir, lequel recouvre plus des deux-tiers de son vignoble. Là encore, la maison se distingue par un encépagement qui renoue avec le passé champenois, ce dont témoignent des replantations de variétés ayant quasiment disparus aujourd’hui comme l’arbane, le blanc vrai, le fromenteau et le petit meslier. Il ne s’agit pas pour autant d’un conservatoire, puisque la cuvée Quattuor les rassemble dans un concerto de blancs unique au point de mériter le titre de création mondiale !
Hormis les cuvées entièrement dédiées aux cépages blancs – Blanc de Blancs et Quattuor – le pinot noir forme le canevas de la gamme des champagnes Drappier, toujours en forte proportion quand il n’est pas leur unique composant. Dicté par une longue tradition, ce choix résolu n’est pas le seul qui caractérise la démarche singulière, parfois audacieuse, d’une maison dont les modes d’élaboration se gardent des adjuvants et autres artifices techniques pour laisser parler l’identité du vin à l’origine du champagne. Ainsi, l’expression de chaque cuvée comporte une marque d’authenticité, qu’elle soit lisible dans un tracé minéral ou sous-jacente à la constitution même du vin.
Clarevallis
De fines impulsions fraîches et fruitées évoquant de la chair de pomme égayent son approche aromatique et précèdent un courant floral et de subtiles notes ligneuses, un nuage minéral formant leur arrière-plan. En bouche, une sensation de rondeur témoigne d’un très bel équilibre, tandis que la matière s’y déploie en souplesse et s’écoule entourée d’une bulle pure et dynamique. Empruntant largement aux arômes, son goût intense et rémanent est ponctué par les nobles amers de sa nature minérale.
Champagne Veuve Fourny & Fils
Charles et Emmanuel Fourny représentent la 5ème génération en charge d’une maison fondée en 1856 à Vertus, un village de la Côte des Blancs classé en Premier Cru. Vertus se situe sur un terroir foncièrement calcaire avec des affleurements d’une craie dont la porosité est à l’origine du caractère plus tendre de ses vins dans le concert de la Côte des Blancs. Ce n’est pas tout, puisque nos vignerons parlent du « paradoxe vertusien » caractérisant des secteurs exposés au Sud et non à l’Est/Sud-Est comme l’est toute cette Côte. Fort de cette vertu (au sens propre !), le chardonnay gagne en maturité aromatique tandis que le pinot noir parvient à y fructifier favorablement.
Imposé par nature dans la Côte des Blancs, le chardonnay est presque exclusif dans un encépagement qui dépasse en moyenne les 50 ans, certaines vignes ayant même près de 70 ans, ce qui est exceptionnellement élevé en Champagne. Elles sont de surcroît majoritairement issues de sélection massale. Cet enracinement enviable est assurément propice aux expressions de terroirs, ainsi qu’aux qualités de fond des matières. Ce patrimoine est entretenu consciencieusement par une viticulture qualifiée de « régénératrice », puisant ses préceptes dans la permaculture et l’agroforesterie. Riche d’une quarantaine de lieux-dits, le vignoble présente toutes les déclinaisons du cru de Vertus en matière de sols et d’expositions, engendrant ainsi une mosaïque d’expressions mises en valeur par autant de vinifications parcellaires.
Afin de préserver l’intégrité de telles sources et d’en rendre les spécificités à travers leurs champagnes, nos vignerons se sont imposés une règle d’or, celle de dosages minimes dans toutes les cuvées. Il en va de même pour les procédés de clarification, qui restent limités, voire exclus. Cependant, si la notion de terroir prévaut dans leur approche, elle intègre celle du plaisir ! Ce faisant, ils poussent la maturité des raisins au-delà des préconisations pour gagner en potentiel aromatique, donc en fruit, et en extraire une minéralité subtile, de nature saline, moins ferme que l’essence crayeuse innée sur la Côte des Blancs. Dans cette même préoccupation de raffiner les textures, l’élevage des vins sur lies fines est volontairement prolongé, et pour partie effectué en petits contenants de chêne.
Conduit avec doigté et discipline, le chardonnay imprime de sa grâce les nombreuses cuvées où il est l’unique constituant. Les champagnes qu’il délivre font apprécier leur essence fruitée, leur délicatesse de texture, à la faveur d’une bulle très fine, et sont ciselées sans rigueur. Loin d’être monocorde, leur rendu aromatique s’infléchit au gré des terroirs, parvenant même à « pinoter » dans la bien nommée cuvée Grands Terroirs, ou bien refléter un vieillissement en fût en prenant de la complexité sur un accent patiné. Quant au pinot noir, bien que marginal, il tient un grand rôle dans les trois champagnes rosés, influant sur leur profil pour engendrer tour à tour des expressions bien personnalisées.
Cuvée R
Ressentie comme une parure, une sensation boisée séduisante domine des arômes complexes où l’on distingue des notes de viennoiserie fraîche avec leur touche gourmande. En bouche, une ampleur harmonieuse offre un cadre de choix à une matière épurée, fraîche, crémeuse, et d’une profonde sapidité où les senteurs se transposent fidèlement. Conjuguant un trait acidulé au goût d’agrumes avec celui d’amers crayeux, l’impression finale est d’une tonicité confondante, tandis qu’une forte salinité se perçoit en contrepoint, tout à l’avantage de l’appétence que l’ensemble suscite.
www.Champagne Veuve Fourny & Fils
L’auteur de l’article : Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ». |
Aucun Commentaire