Vinsobres, une appellation à l’honneur
La soudaine disparition de Philippe Chaume donne à cet article valeur de résonance en hommage à un vigneron qui a toujours incarné l’excellence de Vinsobres. J’en ai été personnellement affecté d’autant plus que Philippe m’en a suscité la réalisation. Et comment ne pas ressentir une profonde tristesse en me remémorant ma première visite au Domaine Chaume-Arnaud, celle qui a inauguré ma carrière de journaliste, il y a plus de 25 ans.
C’est en 2006 que le vignoble délimité dans la commune de Vinsobres obtient sa reconnaissance officielle en cru des Côtes du Rhône, à l’instar de Châteauneuf-du-Pape, pour ne citer que le plus illustre d’entre eux. Bien que décrété cette année-là, le statut de cru avait été accordé à titre rétroactif à des vins de la récolte 2004, ce qui permet de dire que l’AOC Vinsobres a aujourd’hui 20 ans. J’en ai fait un état des lieux dès sa naissance (1) en venant sur son terrain, puis y suis revenu dix après pour mettre à jour mes impressions (2). Voici donc le troisième écho que j’en donne, très positif à en juger par le nombre d’acteurs dont je brosse ici un portrait sommaire, car pris sur le vif à l’occasion d’une visite faite chez chacun d’eux, à peu d’exceptions près. Exclusive aux vins rouges, l’AOC Vinsobres s’élargira aux blancs dans une perspective raisonnable, ce qui serait somme toute logique, l’ADN du cru ayant la fraîcheur pour maître-mot.
Un vignoble paysagé
Le vignoble en appellation Vinsobres se situe au sud du département de la Drôme, appelé aussi Drôme provençale, et encadre le village du même nom. Il est entièrement inscrit dans son territoire communal qui fait partie du pays de Nyons, surtout connu pour son huile d’olive. Les vignes occupent des terrasses ou des replats d’un imposant coteau exposé au sud-est et dont la ligne de crête dépasse l’altitude respectable de 500 m, offrant un joli point de vue sur le Mont Ventoux. Son relief domine le cours de l’Eygues, une rivière affluent du Rhône.
Après le gel historique de 1956 qui a pratiquement anéanti la culture de l’olivier, celle de la vigne est devenu prépondérante tout en préservant d’importantes zones boisées et des espaces dédiés à d’autres cultures traditionnelles : olivier, lavande, fruitiers, chênes truffiers. Épargné et même protégé des constructions, cet environnement champêtre contribue à la beauté du site. A l’heure où l’on parle des bienfaits du maintien d’un écosystème afférent à la vigne, il faut souligner la sagesse et le caractère visionnaire des vignerons et des élus locaux qui, en 1993, avaient pris des mesures pour limiter l’extension des vignes à l’avantage des surfaces boisées.
Un terroir doué
Pour appréhender sa complexité, on a divisé l’aire viticole de Vinsobres en quatre secteurs dont la nature est aussi déterminée par l’altitude comme suit : « première terrasse » (200-250 m), « le coteau » (250-350 m), « les collines » (300-450 m) et « le plateau » (350-450 m). Cette terminologie qualifie en pratique l’écheveau géologique qui a déterminé la morphologie du vignoble, celle d’un relief sédimentaire formé à l’ère tertiaire et modelé depuis par des alluvions et l’érosion. La carte figurant ci-dessous mentionne la partition en secteurs de l’aire délimitée du cru ainsi que les nombreux lieux-dits qui les composent.
D’essence calcaire, les sols de Vinsobres résultent de sa longue histoire géologique et sont principalement constitués d’une texture sableuse ou argileuse, avec d’omniprésentes surfaces caillouteuses dont les composants atteignent par endroits la taille de galets roulés. A cette géographie particulière s’ajoute le climat de transition propre à la région de Vinsobres où le régime méditerranéen subit l’influence des Préalpes voisines. Il est d’autant plus bénéfique à la vigne que la période de maturation des raisins y bénéficie de nuits fraîches et que leur récolte se fait plus tardivement que dans les Côtes du Rhône vauclusiennes. Dans ces conditions, l’expressivité des vins y gagne et se traduit une remarquable impression de fraîcheur, qu’elle soit éloquente ou sous-jacente dans tous les rouges qu’on y produit.
Les cépages autorisés transmettent d’autant mieux les vertus de son terroir qu’ils y sont enracinés de longue date, ce qui le cas pour nombre d’entre eux. En effet, si l’âge moyen du vignoble est d’environ 40 ans, un chiffre déjà respectable, plus de 20 % des plantations dépassent aujourd’hui le demi-siècle, parfois largement, avec en plus l’avantage d’être issues de sélections massales, seule méthode de reproduction pratiquée avant l’apparition des variétés clonales. Outre un rôle majeur dans le maintien d’une diversité génétique, ces vieilles vignes ajoutent aux vins complexité et teneur. A ce sujet, il faut souligner que le respect de l’environnement est une préoccupation qui fait son chemin, faisant qu’environ 1/3 du vignoble bénéficie déjà d’une certification en bio ou en biodynamie.
Une identité plurielle
Si dans le détail le terroir de Vinsobres n’est pas homogène, le cépage dominant, le grenache, unit bien des expressions et contribue à forger une identité qui doit beaucoup à son association avec de la syrah. En effet, celle-ci y excelle mieux que partout ailleurs dans le sud de la vallée du Rhône, ce dont des vignerons vinsobrais se sont aperçus dès les années 1960, avant qu’elle ne s’impose comme cépage dit améliorateur dans toute la région. Cette heureuse combinaison, très largement partagée sur le cru, se traduit par une dualité aromatique des plus prenantes, tantôt faite d’alliances, tantôt d’oscillations sur leurs plus nobles caractères variétaux. L’apport de la syrah est en outre fondamental, car il concoure à ces bouches fraîches récurrentes à tous les Vinsobres qui se respectent. Loin d’être figé, cet archétype se décline largement au gré des interprétations et des savoir-faire vignerons, témoignant ainsi des nombreux particularismes du terroir vinsobrais. Parmi ceux-ci, on relève des secteurs propices au mourvèdre, qui trouve ainsi ses ressources dans des veines argileuses. Bien que très marginal dans l’encépagement global du cru, il a été adopté depuis quelques décennies pour être ajouté à l’assemblage canonique grenache-syrah et contribuer ainsi à sa complexité tout en consolidant son aptitude à la garde, une qualité reconnue à ce cépage.
Sans que l’on puisse parler de ligne de partage entre les vins élevés en fût et ceux ayant séjourné en cuve, des différences existent bel et bien. Tel qu’il apparaît généralement, l’usage du bois prouve le discernement de ses adeptes pour garder un cap sur l’identité du cru. C’est du moins le constat que j’en ai fait, les Vinsobres ostensiblement boisés étant très marginaux et ne répondent plus qu’à une demande en voie d’extinction, si tant est qu’on puisse l’exprimer ainsi. Cela dit, entre des mains habiles, la pratique de l’élevage en fût est souvent à l’origine des plus hautes expressions du cru.
Un cru de garde
Bien que ce critère ne s’impose plus, les consommateurs d’aujourd’hui ne gardant plus les vins, la longévité des Vinsobres constitue pourtant un de leurs atouts. Les approches de ses vignerons ont d’ailleurs intégré ce fait de société et ont infléchi le style de leurs vins dans son sens. En effet, si ma dégustation de référence a surtout révélé des 2020 à l’aube de leur épanouissement avec les qualités inhérentes à un millésime abouti, les 2021 ne déméritaient pas, loin de là, malgré une année de moyenne réputation. Bien que relativement jeunes, ces derniers ne présentaient aucun obstacle à leur appréciation, avec déjà un équilibre enviable et des tanins bien nés, sans parler d’un fruit des plus stimulants. D’ailleurs, les plus ambitieux d’entre les 2021 reflétaient leur statut sans réserve. Cela étant, si aucun producteur ne propose de vieux millésimes à la vente, certains présentent tout de même des 2019 dans la force de l’âge, l’un d’entre eux allant jusqu’en 2017 dans son offre courante avec de quoi confondre les plus sceptiques sur le potentiel de garde des Vinsobres. Et s’il fallait attester davantage de cette qualité, je m’en porterais volontiers garant à travers quelques millésimes anciens ou hors d’âge appréciés à une occasion ou une autre. D’entre les témoins les plus marquants, je retiendrais un 2004 en état de grâce, dégusté très récemment en marge des vins évalués dans le cadre de cet article ou, parmi mes souvenirs indélébiles, je ne peux manquer de louer l’allure pertinente de ce qui n’était encore qu’un simple Côtes du Rhône, malgré ses 30 ans passés !
Vinsobres blanc, c’est pour demain …
Qu’on se le dise, l’AOC Vinsobres blanc n’a pas encore été décrétée, cependant son chantier est bien en cours. Il va presque sans dire que les dons du terroir pour les rouges se transposent pour les blancs, à condition que ce soit sur des secteurs bénéficiant de sols adéquats et d’un climat local relativement tempéré, quête de fraîcheur oblige. Si bien des domaines en produisent, forcément en appellation Côtes du Rhône ou Côtes du Rhône Villages, certains d’entre eux ont déjà anticipé ce que serait leur Vinsobres blanc, surtout que leurs vignes blanches sont souvent implantées sur l’aire classée en cru. Fort de leur expérience dans la couleur, ils en ont esquissé une typologie sensorielle double, distinguant des vins où le caractère aromatique sera privilégié et d’autres où primeront des qualités de corps. Ces deux tendances stylistiques devront toutefois présenter un trait commun, celui que la minéralité y aura imprimé, notamment sous forme d’une teneur saline. Pour cela, l’encépagement existant serait reconduit, à savoir les variétés en usage dans la vallée du Rhône, en l’occurrence clairette, grenache blanc, marsanne, roussanne et viognier.
Ces préliminaires, je les ai observés au gré de mes visites et en ai donné un écho parallèlement à mon compte rendu sur les rouges.
Vigneronnes, vignerons et coopérateurs à l’honneur
Dans ce qui suit, je présente les domaines dont le ou les vins ont brillé à l’occasion d’une dégustation faite préalablement à mes visites, la coopérative locale en faisant partie. Après une courte présentation, j’insiste sur leurs vins en m’écartant parfois du sujet pour souligner l’étendue de leur savoir-faire en dehors du cru, et plus particulièrement en blanc, puisque sa validation en Vinsobres est en projet. Les commentaires de dégustation s’appliquent aux cuvées qui ont particulièrement retenu mon attention, sachant que certains domaines n’en produisent qu’une seule. Tous ces Vinsobres décrits « dans les règles » ont été appréciés dans les meilleures conditions possibles de température (16° C) et en plusieurs séances, de manière à saisir toute la latitude de leur expression.
Présentation par ordre alphabétique > à partir de Domaine Autrand, cliquer sur chaque nom de domaine pour accéder directement à sa notice.
Domaine L’Ancienne Ecole
Domaine Autrand
Domaine Chaume-Arnaud
Domaine Jaume
Château Montplaisir
Domaine de Montine
Domaine du Moulin
Domaine Le Puy du Maupas
Château de Rouanne
Domaine Serre Besson
Domaine du Tave
Domaine Vallot – Le Coriançon
La Vinsobraise
Domaine L’Ancienne École
Ce nom de domaine peut intriguer, mais sa toponymie repose sur une réalité, puisqu’à son endroit une école primaire existait bel et bien, un lieu qui apparaît aujourd’hui bien isolé dans la campagne vinsobraise, surtout qu’il se situe sur le « plateau », où les habitations sont clairsemées. C’est pourtant là qu’Anna et Wilson Thorburn, venus de Londres, ont choisi de s’établir pour créer leur domaine en 2007, au lieu-dit Les Préaux. Avantagé par son altitude, à près de 400 m, ce secteur est propice à capter au plus fort les éléments naturels, souvent à son avantage, mais parfois hélas à son détriment, ainsi une grêle tombée le 24 juin 2022, faisant que ses vignerons ont dû renoncer à faire du Vinsobres cette année-là.
Du fait de son microclimat et de ses sols, ce terroir fait que les cépages principaux de Vinsobres y excellent indifféremment et donnent des assemblages convaincants quand grenache et syrah sont à parité, ce qui est le cas pour les deux cuvées en cru. Cependant, la syrah toute seule est capable de donner ici un vin de haute volée, ce dont atteste « Esprit du Nord », une cuvée très confidentielle (300 bouteilles !), conçue comme ambitieuse plutôt par une sélection des raisins que par des modes de vinification et d’élevage spécifiques. L’achèvement du 2020 est tel qu’il fait penser à un Saint-Joseph, y compris dans sa verve, une vertu pourtant exclusive aux rouges des Côtes du Rhône septentrionales. Du fait de sa nature de mono-cépage, il a été revendiqué dans la catégorie Vin de France. L’aptitude particulière de la syrah à ce terroir se perçoit également dans un rosé, le bien nommé « Carpe Diem », obtenu suivant la technique de la saignée* avec pour corollaire une étoffe et une puissance qui l’éloignent d’une vocation désaltérante au profit d’un service à table efficace. Avec la prouesse d’une robe relativement claire, le 2023 apparaît sous ce jour, doté d’arômes frais et de qualités de corps convaincantes.
D’une superficie modeste (13 ha), le vignoble est exploité en bio et presque entièrement classé en Vinsobres. Les vignes hors cru donnent lieu à une cuvée de rouge en Côtes du Rhône Villages, baptisée « Terra Firma ». Le grenache y est nettement privilégié au profit d’un style convivial à l’instar d’un 2021 à l’approche séduisante, équilibré et fait d’une texture souple et aérée. Le Vinsobres « L’Essentiel » est dans sa lignée et dans l’esprit d’un vin authentique, vinifié en levures naturelles, élevé en cuves et obtenu avec peu de sulfites. Rassemblant grenache et syrah à parts égales, le 2020 donne la mesure de ce savoir-faire au bénéfice d’une expression pleine de vitalité où la fraîcheur joue un grand rôle et parvient à juguler avec brio la richesse du millésime. Favorablement matérialisés dans sa constitution, ses atouts pour la garde sont prometteurs. L’autre cuvée en Vinsobres est nommée « La Dame Anglaise », un vin d’une même composition, mais élevé en fûts de chêne anciens de manière à offrir une matière plus aimable à âge égal. C’est ainsi que l’on perçoit le rendu du 2020, qui diffère en outre de son alter ego par un caractère plus nerveux, lisible dans sa texture ainsi que dans un goût tirant sur des fruits rouges, le boisé restant discret tout au long de sa dégustation.
* rosé de saignée : il s’obtient en délestant puis en faisant fermenter le jus encore clair d’une cuve destinée à faire du rouge.
Mon vin préféré :
Vinsobres 2020 « L’Essentiel »
D’une attrayante et harmonieuse expressivité, le nez met en avant des senteurs prenantes de fruits noirs mariées à des notes de réglisse et d’olive noire, sur un fond poivré et un accent charmeur de garrigue.
En bouche, une ampleur manifeste dénote un très bel équilibre qui fait d’autant mieux apprécier le toucher onctueux d’une matière au goût puissant et savoureux sur le registre des arômes. Des tanins fondants, veloutés et sapides ajoutent à son agrément.
Prix des Vinsobres cités :
L’Essentiel 2020 : 14,50 € – La Dame Anglaise 2020 : 16,50 €
➤ Les Grands Préaux – 26110 Vinsobres ➤ site internet
Domaine Autrand
L’importance de ce domaine doit être appréciée à l’aune de la superficie qui en fait l’acteur indépendant le plus investi en Vinsobres. Il exploite ainsi plus de 50 ha sous ce label et en produit pas moins de 5 cuvées. Christine Aubert et son fils Aurélien incarnent respectivement la 3ème et la 4ème génération des vignerons qui s’y sont succédés depuis sa fondation au lendemain du gel de 1956. Longtemps adhérent de la coopérative, le domaine l’a quitté pour assumer sa propre destinée depuis l’année 2000, premier millésime qui a vu son nom apparaître sur des étiquettes. Ses vignes en cru se partagent entre le « coteau », au lieu-dit Le Plan, et le « plateau » pour les plus nombreuses, sur Les Escoulaires et également Les Plaines, un secteur au nom paradoxal puisque l’un des plus en altitude de l’appellation, culminant à près de 400 m. Planté depuis l’année fatidique pour les oliviers, le vignoble est d’un âge moyen élevé, approchant les 50 ans, ce qui n’est pas son moindre atout.
Ainsi, cinq cuvées constituent sa gamme en crus, et autant expressions distinctes à la fois par leur composition et leur mode d’élevage, tout en ayant quelques parentés de style, surtout concernant celles passées en fûts de chêne. Témoin du millésime passé, « Trésor » 2023 attend patiemment sa mise en bouteille car il séjourne strictement en cuves. Il s’agit d’une alliance de grenache, syrah et mourvèdre où chaque cépage est dignement représenté par respectivement 50, 30 et 20 % de l’assemblage, une recette du plaisir en quelque sorte. La jeunesse du fruit, pour ne pas dire sa gourmandise, y est en effet éclatante, tandis qu’un support de fraîcheur influence son entière expression, fort bienvenu dans l’occurrence d’un millésime par trop généreux avec un épisode caniculaire. Dans un millésime 2020 aussi riche, ce même vin joue également la carte de la fraîcheur pour s’exprimer avec un grand naturel qui n’exclut pas de la précision dans le fruit et de l’harmonie dans le fini de sa structure. Sans jeu de mot facile, la cuvée « Empreinte » porte l’empreinte d’un élevage en fût très majoritaire dans son assemblage, pour environ les trois-quarts de son volume. Elle est originale dans le sens où le mourvèdre se substitue à la syrah pour former un duo avec un grenache très prépondérant (70 %). Aujourd’hui épanoui, « Empreinte » 2020 a comme transcendé le caractère de l’année, campé qu’elle est sur un fruit nerveux surprenant et plutôt plaisant. Son profil élancé et gracieux plaide également pour elle, tout comme des tanins polis. La cuvée « VS » est quant à elle entièrement élevée en bois et forgée par de la syrah, le grenache étant ramené au rang de condiment. Malgré une composition à l’opposé d’Empreinte, « VS » 2020 lui est proche par une nature fruitée axée sur des baies rouges et leur côté acidulé, ce qui en fait un vin tout autant, sinon plus délicieux et dont la structure passe presque sous silence.
Si Aurélien Autrand reconnait que son blanc actuel n’a pas tout à fait l’assise pour en faire un virtuel Vinsobres, il ne renie pas pour autant sa conception. Produit en Côtes du Rhône, « La Perle Blanche » est essentiellement constituée de viognier (85 %), avec un appoint de grenache blanc. Joliment parfumé sur des notes de fruits dit à chair blanche comme l’abricot, son 2023 pourrait être perçu comme une expression achevée dans sa catégorie de blancs primesautiers. En tout cas, son extrapolation en un futur cru est en projet, avec des plantations dans la couleur prévues dans un proche horizon.
Mes vins préférés :
Vinsobres « Trésor » 2020
D’une nature veloutée, le nez est parcouru d’un trait de fraîcheur qui en rehausse la netteté à l’avantage de senteurs pures et parfaitement mariées se détaillant en notes épicées-poivrées, réglissées et de garrigue.
En bouche, une sensation de rondeur fait que la matière épouse son pourtour avant de fondre en une texture pulpeuse d’un goût en écho aux arômes, puissant, tonique et d’une profonde sapidité. Cette sensation savoureuse se prolonge en rémanence, là où des tanins fondants concluent l’ensemble harmonieusement.
Vinsobres « VS » 2020
Engageant, le nez arbore un léger boisé qui s’associe à point nommé à un accent floral avant de laisser libre cours à une fluctuation d’arômes épicés et poivrés, stimulées par une note évoquant du noyau de cerise.
Le volume perçu en bouche créé un effet d’équilibre et d’harmonie propre à raffiner le toucher d’une matière dont l’essence juteuse est d’autant mieux mise en valeur qu’elle réagit au tempo d’un goût succulent de fruits rouges acidulés et typiquement de cerise, le tout exprimé sur un arrière-plan à peine boisé. Ce caractère nerveux et délicieux suscite une finale salivante à laquelle s’agrègent des tanins littéralement soyeux.
Vinsobres « Empreinte » 2020
Au nez, un caractère boisé légèrement toasté y influe sensiblement de son charme, laissant pointer une touche gourmande et fugace évoquant de la fraise des bois, qui cède ensuite à un registre épicé singulier faisant penser à de la cardamome.
Distincte du vin précédent par une allure plus ramassée, son expression en bouche en reprend cependant la dynamique de fraîcheur à la source d’une matière pleine de grâce sans manquer d’étoffe. On y retrouve de mêmes saveurs intensément acidulées avec ici un supplément d’épices et de boisé, ainsi qu’une structure similaire, veloutée et à peine plus marquée. Suscité par la nature des tanins, un trait de noble astringence compose avec la verve de sucs fruités pour engendrer une finale sémillante.
Prix des Vinsobres cités :
Trésor 2020 : 12,50 € – Empreinte 2020 : 10,30 € – VS 2020 : 11,50 €
➤ RD 94 – 26110 Vinsobres ➤ site internet
Domaine Chaume-Arnaud
Exemplaire dans sa pratique d’une viticulture respectueuse de l’environnement, ancrée dans son écosystème et en phase avec les cycles de la nature, ce domaine s’est inscrit dans l’éthique de la biodynamie depuis plus de 20 ans. Valérie et Philippe Chaume-Arnaud ainsi que leur fils Thibaud en sont les vignerons et le conduisent en ayant progressivement renoué avec la polyculture qui caractérisait la vocation des fermes locales. En cohérence avec une approche viticole consciencieuse, l’oléiculture, la culture de la tomates et de céréales font aujourd’hui partie intégrante de leur métier. De taille moyenne (40 ha), le vignoble est très largement implanté sur l’aire délimitée en Vinsobres, et s’étend partiellement dans son voisinage, sur la commune de Saint-Maurice, classée en Côtes du Rhône Villages. Ses vignes en cru épousent largement le cœur du « coteau », tandis qu’une partie est implantée sur le « plateau », un secteur plus frais dédié aux cépages blancs et à la syrah. La répartition des cépages en fonction du terroir témoigne de la réflexion des vignerons sur leur adéquation avec chaque type de terroir, faisant que les quelques parcelles situées dans la plaine de l’Eygues, et donc hors AOC, ne sont pas négligées pour autant. Profitant de la liberté de les exploiter sans contrainte, ils y cultivent non sans succès des plants d’autres régions, tels chasselas, chenin, rolle, caladoc et merlot.
L’attention portée à des sols moins doués témoigne d’une conception des vins où la qualité prime sur la hiérarchie, leurs vocations respectives décidant de leur profil. Ce devoir de satisfaire tout un chacun se ressent dans le caractère des cuvées les plus modestes, un blanc et un rouge baptisés Pontias, du nom d’un vent qui souffle dans le pays de Nyons de manière si providentielle qu’il est devenu légendaire. Composés des cépages précités et de variétés régionales, comme la marsanne pour le blanc et la syrah pour le rouge, il s’agit d’expressions où prime la spontanéité du fruit, avec toutefois assez de teneur pour être mieux que des vins de soif. Reprenant le croquant du rouge « Pontias » 2022, « Le Petit Coquet » 2022 ouvre la gamme en Côtes du Rhône dans un même genre abordable et déjà la signature du terroir de Vinsobres, récurrente dans toutes les cuvées en rouge. En effet, épargné des incidences du boisé, proscrit dans le mode d’élevage du domaine, c’est un fruit nerveux évoquant l’acidulé de la cerise mâtiné de framboise qui caractérise son Côtes du Rhône 2021 éponyme du domaine. Celui-ci possède les qualités de fond requises pour un cru, le grenache et la syrah qui l’engendrent étant d’ailleurs situées sur son aire, tandis que sa part en cinsault provient de Saint-Maurice en lui apportant un délice supplémentaire pour renforcer son petit air bourguignon. Un délice résume également les flaveurs du Côtes du Rhône Villages Saint-Maurice 2022, révélant autrement une finesse et un soyeux de texture qui le situeraient aisément au niveau d’un cru des Côtes du Rhône. Cette remarque n’est pas faite à titre personnel, car il fut un temps où l’on a envisagé d’intégrer le vignoble de Saint-Maurice à celui de Vinsobres.
Les deux cuvées en cru sont commercialisées après un temps de maturation, à l’aube de leur épanouissement. C’est ainsi que l’on peut commencer à apprécier le caractère enlevé et puissant du Vinsobres 2020, un millésime généreux typiquement méditerranéen. Ainsi, des senteurs d’épices et de garrigue, typiquement de cade, le parfument, tandis que l’on goûte à une matière foncièrement sapide et tout en relief, sans l’once d’une lourdeur, respirant l’harmonie jusqu’à sa structure. Riche en grenache, ce vin, qui représente la moitié des fruits du domaine, fait cependant la part belle à tout l’éventail des cépages rhodaniens : syrah, cinsault, mourvèdre et même la rare counoise. A contrario de cette palette d’essences, la composition de « La Cadène » se résume pratiquement à de la syrah, le grenache étant en appoint. Sa haute singularité vient justement des pieds de syrah qui la façonne, plantés en 1959 à partir de vignes du nord de la vallée du Rhône, une initiative unique à l’époque et visionnaire de l’heureuse destinée du cépage à Vinsobres. Figurant parmi les plus vieilles vignes de syrah du grand sud rhodanien, leur teneur faite vin est superlative sans que cette densité nuise à l’équilibre d’un 2019, qui se traduit par une grâce de texture doublée d’une suavité inénarrables.
Produisant pas moins de trois cuvées en blanc, le domaine est très bien placé quand il s’agira de les étiqueter en Vinsobres. Deux d’entre elles figurent parmi les prétendantes à ce titre. Le Côtes du Rhône l’est assurément, surtout que les vignes à son origine sont situées dans son aire. Alliant marsanne, roussanne et viognier, son 2023 ne joue pas l’exubérance, mais plutôt le plaisir du toucher d’une matière qui ne manque ni de sapidité ni d’élégance. Quant à « La Cadène » en blanc, le doute de le voir un jour en Vinsobres n’est pas permis en regard de son expression en 2023. Doué d’une nature aromatique complexe et enivrante comme un parfum de glycine, il retient en outre par une substance fine et d’un goût pénétrant, coulante à l’instar d’un jus succulent.
Mes vins préférés :
Vinsobres « Domaine Chaume-Arnaud » 2020
Le nez délivre à mesure des arômes suaves et nuancés de garrigue et d’épices, où viennent poindre des senteurs douces et affriolantes de fruits rouges (fraise-myrtille).
Une sensation d’ampleur modèle avantageusement une bouche à la chair délicate et dotée d’un goût persistant en écho aux douceurs aromatiques, qui se prolonge en saveurs réglissées-florales. Des tanins délicatement soyeux viennent souligner une finale où le fruit continue d’agir.
Vinsobres « La Cadène » 2019
D’une suavité saisissante, il embaume un registre mêlé de garrigue et d’épices douces, surmonté d’une singulière et fascinante essence parfumée pouvant évoquer celle de la bergamote.
Reflet d’un état de plénitude, la bouche se ressent dans son ampleur, sa fraîcheur de constitution et le moelleux d’une matière où se conjuguent des saveurs riches et foncièrement sapides, fidèles aux arômes. Salivante, l’impression finale résorbe à merveille des tanins de velours.
Prix des Vinsobres cités :
2020 : 14,50 € – La Cadène 2019 : 30 €
➤ Les Paluds – 26110 Vinsobres ➤ site internet
Domaine Jaume
Pascal et Richard Jaume conduisent en tandem un domaine qui figure parmi les acteurs majeurs de l’appellation, non pas tant par sa superficie que par la qualité du suivi de ses vins. Morcelé en grandes unités, son vignoble bénéficie de situation variés, principalement sur le « coteau » et les « collines », et comprend même une vigne enclose dans la végétation, à l’origine de la cuvée emblématique de son ambition, bien nommée « Clos des Échalas ». L’estime que ce domaine inspire sous-entend une discipline et une main sûre qui se traduisent par une gamme de Vinsobres intelligemment étagée à la mesure du potentiel des sols de son vignoble. Ce discernement se double d’une conception distincte pour chaque vin, qui en appelle à autant d’approches différentes où les élevages jouent un grand rôle. Passés maîtres en la matière, nos vignerons jonglent sur la nature et le volume des contenants pour les ajuster au style de chaque cuvée sans en déprécier le message du fruit. Soucieux de maintenir une biodiversité élémentaire dans leur exploitation, leur action viticole est affiliée aux préconisations d’une charte officielle en matière d’environnement. Cependant, la nouvelle génération familiale appelé à prendre leur relais a déjà anticipé sur les exigences sociétales à ce sujet en optant pour le mode biologique sur la petite partie du vignoble qui lui a été impartie.
A la fois explicite et symbolique, le nom de la cuvée « Altitude 420 » sous-entend qu’elle provient d’un des secteurs les plus élevés de l’appellation, en l’occurrence des « collines ». Il s’agit de son Vinsobres le plus produit, classique dans sa composition grenache-syrah avec une légère dominante du premier (60 %). Un élevage habile alliant cuves et foudres a profilé la belle rondeur du 2021 tout en canalisant sa nature généreuse au bénéficie de l’intégrité du fruit dans un style modérément structuré pour en faciliter une appréciation précoce. Combinant les mêmes cépages en avantageant la syrah, « Référence » comprend en outre un peu de mourvèdre (10 %) planté à un endroit adéquat, plus argileux, situé à l’ouest de l’aire d’appellation. Ce vin concentre tout le savoir-faire du domaine et avec le 2020 fait preuve d’un grand équilibre, malgré la richesse du millésime. En effet, son profil sur la fraîcheur fait qu’il a préservé remarquablement les repères sensoriels du cru, sans penchant généreux, où il faut voir les bénéfices d’un vieillissement en fûts (pièces bourguignonnes) ajusté en fonction de chaque cépage. Malgré l’attention apportée à son élaboration, « Référence » n’a rien d’une cuvée marginale, produite en nombre, dans le sillage d’« Altitude 420 ». S’il le fallait, elle souligne tout le mérite du Domaine Jaume. A contrario, « Vinéa Natura » est produite comme une série limitée et ainsi que son intitulé le sous-entend, il s’agit bien d’un rare Vinsobres sans sulfites ajoutés. Dans son 2022, grenache et syrah s’allient à parité au profit d’un naturel d’expression, sans jeu de mot, témoin vivace du terroir plus frais des « collines ».
« Le Clos des Echalas » incarne une exception au sein du domaine, à la fois par les vignes qui l’engendrent et par son statut de vin sans concession. A sa source, il y a donc un clos naturel, celui que forme la végétation qui délimite une grande parcelle (3 ha) située sur une partie en coteau et d’un sol homogène. Parmi ses autres singularités, celle de l’âge de ses vignes n’est pas la moindre, puisque ce sont de vénérables grenaches et mourvèdres de 80 ans en moyenne. Concernant ces derniers, ils concourent à parts égales à la constitution de cette cuvée, un cas unique à Vinsobres. Quant à son mode d’élaboration, il n’est pas ordinaire non plus, faisant que son élevage est intégralement effectué en fût neufs (228 L). L’ensemble des facteurs créant sa différence font qu’à l’aube de son épanouissement, son millésime 2019 pourrait incarner tout le potentiel du cru en matière de grandeur et de raffinement. Sans caractère démonstratif, son expression témoigne en effet d’une haute maturité et d’une concentration au service d’une texture délicate, finement onctueuse et d’un goût profond, étonnamment innervée de fraîcheur.
Ici, le Vinsobres blanc existe virtuellement, puisque les frères Jaume ont été des militants de la première heure pour son adoption dans le décret d’appellation. Ainsi, un archétype de choix en serait la cuvée nommée « Référence » comme pour présager son futur statut, puisque son pendant en rouge est en Vinsobres. Revendiquée en Côtes du Rhône Villages, son 2022 rassemble pas moins de 5 cépages – clairette, grenache blanc, marsanne, roussanne et viognier – et tire parti de son élevage en grands fûts (500 L) pour délivrer une expression des plus raffinées.
Mes vins préférés :
Vinsobres « Altitude 420 » 2022
Franc, plein et puissant, le nez unit à merveille la dualité de sa composition par une jolie combinaison d’épices douces et de réglisse qui alternent sur leur expression respective.
En bouche, une rondeur harmonieuse encadre une matière coulante, équilibrée et bien agencée, dont les saveurs reproduisent généreusement les arômes en privilégiant leur côté réglissé et, par un heureux effet, son rayonnement éthéré. Des tanins légers et fondants invitent déjà à l’apprécier.
Vinsobres « Référence » 2020
Enveloppé d’exhalaisons fraîches et boisées, le nez exprime par ailleurs des senteurs épicées et florales pleines de distinction.
Conjuguant avec faste ampleur et rondeur, la bouche met ainsi en valeur une matière qui se palpe à souhait sur un goût puissant, pénétrant et persistant, agréablement salivant, défini par du réglisse mâtiné de boisé. Bien harmonisés au corps du vin, les tanins présentent un profil raffiné et soyeux.
Prix des Vinsobres cités :
Altitude 420 2022 : 9,90 € – Référence 2020 : 14,90 € – Vinea Natura 2022 : 16,90 € – Le Clos des Echalas 2019 : 39 €
➤ 24 rue Reynarde – 26110 Vinsobres ➤ site internet
Château Montplaisir
Si le cœur de ce domaine, et donc la cave, se situe à Valréas, son vignoble se partage entre cette commune et celle de Vinsobres, toute voisine mais située sur l’autre versant du plateau qui les sépare. Il produit ainsi des vins classés en Côtes du Rhône Villages d’une part, et d’autre part des vins en cru. Son vigneron, Benoît Chaignon, a pris conscience de la valeur du terroir de Vinsobres en y acquérant en 2014 un ensemble de parcelles couvrant quelques 10 ha. Bien lui en a pris, puisqu’il a eu l’opportunité de trouver des vignes d’un âge vénérable pour nombre d’entre elles, notamment des syrahs dépassant le demi-siècle, des grenaches et des carignans approchant les 80 ans. A l’atout de vieilles vignes s’ajoute celui d’un vignoble morcelé en parcelles bien distinctes par leur situation et leur sol. Le vigneron prend soin de les exploiter d’une manière différenciée de manière à ce qu’il puisse apprécier et répartir leur fruit lors de la composition des vins. Cette approche méthodique se traduit par des vinifications bien segmentées par l’emploi d’une cuverie nombreuse, à laquelle répond un mode d’élevage conduit de manière à ce que l’intégrité des vins soit préservée sans toutefois sacrifier un juste raffinement. A cet effet, l’action du boisé dans le vin est efficacement tempéré par l’usage de grands fûts appelés demi-muids (600 L), tandis qu’une partie séjourne en cuve.
En appellation Côtes du Rhône Villages Valréas, la juste fierté du domaine s’incarne dans un rouge nommé « Safres » par allusion aux sols sablonneux où croissent les vignes qui l’engendrent. Traditionnel par une composition grenache-syrah-carignan privilégiant nettement le premier (60 %), son 2021 l’est aussi par sa nature épicée, tandis qu’il se distingue par une fraîcheur de constitution qui n’est pas sans rappeler celle d’un Vinsobres. En plus de cette dernière qualité, on y ressent un goût d’une teneur respectable, où il faut voir les vertus de vieilles vignes plantées il y a quelques 50 ans. Sa cuvée principale en Vinsobres s’intitule « Expressions », plutôt atypique dans le sens où la syrah y est très prépondérante (70 %), le grenache complétant son assemblage. Bien raisonné pour préserver le message du fruit, mais pas seulement, son élevage s’effectue en demi-muids avinés antérieurement par le passage de 3 à 4 vins. L’effet de cette précaution s’apprécie dans un 2020 où l’impact sensoriel du bois reste très mesuré, alors que le rôle de ses contenants est pour beaucoup dans son profil fougueux et le lissage de sa structure. Mieux qu’un vin purement axé sur l’ambition, « Hauts Galets » représente la quintessence d’un millésime avec pour sources ses grenaches et ses syrahs les plus éloquents. Résultant d’un élevage plus poussé avec une part de bois neuf, son 2019 en témoigne sans excès, comme sa richesse extrême traduit une année chaude, sans toutefois sacrifier un trait de fraîcheur qui guide sa perception sur des effets salivants. Grâce aux tensions déliant son expression, il peut déjà s’apprécier contrairement à sa version en 2020, comparativement moins loquace sur des qualités dont elle est apparemment tout aussi bien pourvue.
Des ceps de viognier implantés sur des sols de nature sablonneuse contribuent très largement (75 %) au blanc « Éclats » pour donner une première esquisse du futur Vinsobres blanc. Sous cette influence, le 2023 ne manque pas d’arômes ni d’ailleurs d’une matière dont le modelé n’est pas étranger à la présence de marsanne conjuguée à une pincée de piquepoul. Une seconde interprétation du cru en blanc pourrait être celle de « Terres Profondes », une cuvée où la roussanne joue une noble partition en alliance avec une minorité de grenache (30 %). Ainsi doté, le 2023 dévoile une harmonie et un raffinement sur une forme de structure due tout autant à des incidences minérales qu’au tracé du boisé qui façonne une partie de la roussanne.
Mon vin préféré :
Vinsobres « Château Montplaisir » 2020
L’approche suave et raffinée des arômes met en valeur l’expression d’un fruit évoquant subtilement de la myrtille sous la coupe d’un net accent réglissé avec en parallèle un soupçon de boisé élégant.
En bouche, une fraîcheur superlative renforce l’effet d’ampleur et créé une dynamique à la mesure d’une matière d’une fine étoffe qui gagne ainsi un équilibre enviable et un relief qui ne l’est pas moins. On retrouve au palais le registre des senteurs sous son côté le plus charmeur, infiltré de sucs juteux et influencé par un caractère un brin chaleureux, tandis que la structure le tapisse de son grain fin et satiné.
Prix des Vinsobres cités :
Expressions 2020 : 17 € – Hauts Galets 2019 : 30 €
➤ 1 chemin des Blagiers – 84600 Valréas ➤ site internet
Domaine de Montine
Le domaine se situe à Grignan, étant l’un des acteurs majeurs de l’appellation Grignan-les-Adhémar et l’une de ses meilleures adresses. Il y possède également une truffière qu’il exploite non sans un sens de la pédagogie en proposant des séances de cavage*, un loisir qui rejoint son fort engagement dans l’œnotourisme. Fondateur du domaine avec son frère Claudy, aujourd’hui retiré, Jean-Luc Monteillet continue de l’orchestrer avec ses enfants et ses neveu et nièce pour exécutants. Pressentant l’atout de fraîcheur du terroir de Vinsobres et en outre séduit par son paysage, le vigneron fait le pas de s’y investir en 2006, au moment de la consécration du cru. Il acquiert alors quelques 5 ha en deux parcelles dans les « collines », situés entre les lieux-dits Les Cornuds et Les Pommiers, à une altitude notable de 400 m. Relativement jeunes à l’époque, ses vignes portent aujourd’hui la quarantaine, croissant sur des sols parsemés de galet roulés, selon un encépagement très dominé par le grenache, la syrah le secondant. Le savoir-faire qui l’a distingué sur l’aire de Grignan a rejailli sur l’élaboration de son Vinsobres au point de le placer parmi les hautes expressions du cru.
La composition de l’unique cuvée produite en Vinsobres reproduit l’encépagement du vignoble, et comprend ainsi plus de trois-quarts de grenache et le complément en syrah. Malgré cela, l’expression du 2021 surprend dans le sens où les flaveurs inhérentes au grenache n’y sont pas perçues comme telles, du moins celles détectées sur le cru. Ce sont en effet des notes fruitées suggérant de la fraîcheur qui y dominent, et surtout le réglisse, un registre que l’on attribue couramment à la syrah. La sensation de fraîcheur ne se limite pas à son fruit et émane de toute sa constitution, sans effet flagrant de manière à susciter une impression d’harmonie. Le terroir d’altitude n’est pas pour rien dans ce rendu avantageux, où il faut voir également le métier accompli d’un vigneron pratiquant de très longues vinifications, opérées en douceur, à l’instar d’une infusion de raisins. L’élevage vise à respecter la nature d’un fruit aussi méticuleusement extrait et s’effectue par un usage partiel de fûts.
* cavage : vient de caver, c’est-à-dire creuser afin de chercher la truffe.
Mon vin préféré :
Vinsobres « Domaine de Montine » 2021
Après un court prélude empyreumatique, le nez prend résolument un ton réglissée doublée d’un accent mentholé, affirmant ainsi une tonicité qui concorde avec une note d’olive noire et comme une odeur de pinède, elles-mêmes accordées à un rehaut épicé.
Une bouche au profil élancé dénote une heureuse conjugaison d’équilibre et d’élégance, créant un contexte bénéfique au toucher de sa matière, tandis que sa texture s’apprécie par son velouté et une énergie puisée dans le registre des arômes. Un trait sensiblement réglissé imprègne durablement une finale sapide, agrémentée au surplus par une parure de tanins ourlés à la perfection.
Prix du Vinsobres cité : 14 €
➤ La Grande Tuilière – 26230 Grignan ➤ site internet
Domaine du Moulin
Charles Vinson incarne la 4ème génération à la tête d’un domaine au lointain passé oléicole, puisque quelques oliviers d’un âge estimé à 300-400 ans figurent dans son patrimoine. A l’heure du grand gel de 1956, sa vocation viticole a commencé à s’affirmer au service de vins dits courants. Elle sera pleinement scellée en 1990, année qui vit la construction d’une cave enterrée et voûtée à l’ancienne, rarissime sinon unique dans la région, en tout cas un atout de choix pour l’élevage des vins sans auxiliaire pour les maintenir à bonne température. Aujourd’hui, une vingtaine d’hectares de vignes s’ajoutent à une oliveraie ainsi qu’à une chênaie de truffiers pour former une propriété dans la tradition paysanne locale. Outre le fait d’avoir fait creuser une cave, le modèle bourguignon n’a pas manqué d’inspirer le père de Charles, Denis Vinson, puisqu’il a opté pour le fût de chêne comme contenant exclusif d’élevage de ses rouges, cela en leur appliquant la technique du bâtonnage* pour mieux les étoffer. Cependant, en matière de culture, c’est la taille des vignes en gobelets qui prévaut dans les vignes, une méthode ancestrale pratiquée et toujours en vigueur notamment dans le sud de vallée du Rhône, laquelle suppose une mécanisation limitée des travaux viticoles et des vendanges manuelles, ce qui est bien le cas ici.
Le domaine s’est largement investi en Vinsobres et produit pas moins de trois cuvées élaborées dans un sens hiérarchique, où les différences se font à l’aune de la proportion de syrah qui les compose. Cet étagement est accentué par l’âge des fûts dans lesquels ils séjournent. Ainsi, le Vinsobres introduisant au style du domaine, appelé « Les Vieilles Vignes de Jean Vinson » contient-il 25 % de syrah, le reste étant du grenache. Il est élevé en fût déjà utilisés pendant 5 à 10 ans. En 2021, cette cuvée met en valeur tout le charme du cépage dominant, dont le caractère croquant le doit à un millésime qualifié de frais, qui se traduit encore par une allure fringante et un goût salivant. Avec un nom aussi explicite que le sien, la « Cuvée + + » a droit quant à elle à une part accrue de syrah, à hauteur de 40 % de l’assemblage ainsi qu’à des contenants plus récents, allant de 1 à 5 ans. Ainsi pourvu, le 2021 change sensiblement de registre d’expression comparativement à son cadet, une différence qui se ressent surtout par un profil plus riche où les qualités de fond priment sur l’expressivité. A l’acmé de la gamme, « Charles Joseph » reflète une parité entre syrah et grenache, et le privilège de fûts très récents, neufs et âgés d’un an. La jeunesse du 2021 fait naturellement remarquer son boisé, quoique sans mésalliance avec le fruit. Proche sur bien des aspects de la cuvée « + + », on y sent tout de même des qualités accrues, et surtout une texture raffinée, comme en dentelles. Une petit incursion dans le passé de cette cuvée relève un 2007 encore bien alerte, d’une remarquable fraîcheur de constitution, exhalant des arômes noblement évolués, comme des odeurs de poudre de cade et de garrigue. D’un profil harmonieux et toujours alerte, sa structure souligne sa vocation assumée de vin de garde.
Le blanc n’est pas ici un parent pauvre de la production, puisque deux cuvées servent la couleur. Il s’agit d’un Côtes du Rhône dont la conception est redevable aux qualités de fraîcheur de la clairette, son composant essentiel. Le 2022 se distingue en ce sens tout en présentant un bouquet appréciable, celui procuré par un appoint de viognier et une touche de roussanne. C’est cependant un Côtes du Rhône Villages blanc qui pourrait largement prétendre au grade virtuel de Vinsobres blanc. Original dans son essence, puisque privilégiant le viognier sur la clairette, il l’est également dans son mode d’élaboration où seule une infime partie (moins de 5 %) est vinifié en fût. Une note boisée fait d’ailleurs une apparition dans le tout jeune 2023, appelé sous peu à faire valoir la singularité aromatique de vieux plants de viognier, à savoir un accent muscaté inattendu qui va de pair avec son profil frais et enlevé, inhérent aux actions conjuguées de ses constituants.
* bâtonnage : action de bâtonner, soit remettre en suspension les lies pour « nourrir » un vin en fût. Les lies étant des résidus après fermentation qui se déposent au fond du contenant.
Mes vins préférés :
Vinsobres « Cuvée + + » 2021
Au nez, le ton est donné par un boisé vanillé du meilleur effet, lequel compose à merveille avec des senteurs fraîches et délicates, variant entre une essence florale, des fruits rouges (fraise des bois) et des épices douces.
L’insigne rondeur en bouche traduit un grand équilibre faisant que sa matière ondule harmonieusement et longuement en une texture succulente sur des saveurs fidèles aux arômes. Des tanins salivants et finement ciselés concluent un ensemble épicurien dans l’âme.
Vinsobres « Charles-Joseph » 2021
Séveux et à peine vanillé, un boisé de choix ainsi qu’un faisceau fruité s’interpénètrent pour délivrer un bouquet parfumé à l’accent floral, où pointent des notes suaves de baies rouges.
Littéralement profilée par un grand élan de fraîcheur, la forme en bouche se fait fastueuse et accueille d’autant mieux une matière au toucher onctueux, pénétrée d’un goût intense et raffiné où les senteurs se reflètent. Empreints des délices du fruit, des tanins soyeux caressent l’ensemble avec une rare distinction.
Prix des Vinsobres cités :
Les Vieilles Vignes de Jean Vinson 2021 : 9,20 € – Cuvée ++ 2021 : 12,40 € – Charles Joseph 2021 : 20 €
➤ Montée du Moulin – 26110 Vinsobres
Domaine Le Puy du Maupas
Le cœur du domaine se situe à Puyméras, une commune très peu éloignée au sud-est de celle de Vinsobres. Ses vins sont majoritairement classés en Côtes du Rhône, l’un d’eux bénéficiant de l’appellation complémentaire Villages Puyméras. De taille moyenne (45 ha), son vignoble s’étend sur Vinsobres où 6 ha sont classés en cru sur le lieu-dit Les Chauvets, parmi les plus à l’est de l’aire délimitée et correspondant au terroir du « plateau ». Amélie Sauvayre est sa vigneronne officiellement depuis 2019, année où elle a succédé à son père Christian, fondateur du domaine en 1987. Précédemment coopérateur, il a perpétué une lointaine tradition familiale ancrée dans le travail de la terre, dont celle de la vigne, qui remonte aux années 1800. La conscience de ce noble héritage l’a incité à prendre le virage du bio avec une certification acquise en 2012. Sous cette influence, Amélie a forgé tout son apprentissage dans des domaines œuvrant en biodynamie. Dans la conduite de ses vignes, elle fait d’ailleurs des emprunts à ce mode cultural qu’elle ne peut pas appliquer stricto sensu faute de disposer des moyens nécessités par sa discipline, eu égard à leur superficie.
Amélie ne dispose pas de vignes en blanc sur Vinsobres, mais s’applique néanmoins dans la couleur en en élaborant 3 cuvées, une seule étant cependant en Côtes du Rhône dans un style où rondeur et fraîcheur cohabitent efficacement, ainsi qu’en atteste un 2022. En rouge, sa cuvée en Côtes du Rhône Villages Puyméras retient plus particulièrement l’attention en raison d’un conception singulière, puisque mise en bouteille très précocement, de manière à y « emprisonner » le fruit. Ce n’est pas tout, car son vieillissement se poursuit ainsi très longuement, faisant que le 2018 est celui commercialisé actuellement ! En l’occurrence, il s’agit d’une expression dont le fruit gourmand n’a pas pris une ride, compensant en quelque sorte le fond généreux qu’on y ressent. Atypique dans son assemblage, le Vinsobres fait la part belle à la syrah (60 %), et comporte classiquement du grenache pour environ 1/3 de sa composition, et une petite part de mourvèdre. Plutôt atypique, ce choix ne semble pas se lire dans un 2019 dont le bouquet laisserait supposer un forte présence de grenache, tant le registre charmeur identifiant ce cépage y domine. Strictement élevé en cuves, il délivre un caractère entier en doublant sa fraîcheur de fruit par celle, non moins appréciable, inhérente à sa constitution. Peaufinée par un mode de vieillissement sans artifice, sa structure reflète également ce grand naturel d’expression qui fait toute sa personnalité.
Mon vin préféré :
Vinsobres « Domaine Le Puy du Maupas » 2019
D’une prenante expressivité, le nez foisonne d’un fruit exquis où se déploie tout un registre mêlé et affriolant de fruits rouges (fraise-framboise-cerise) parcouru de notes épicées.
Le caractère élancé en bouche le doit à l’action harmonieuse de la fraîcheur, qui lui confère de l’amplitude et en sublime le toucher de matière. Atténuées par un fond généreux ainsi qu’une structure sensible, les saveurs se délectent cependant du plaisir de l’olfaction avant d’infiltrer une sensation tannique somme toute feutrée.
Prix du Vinsobres cité : 15 €
➤ 1678 route de Nyons – 84110 Puyméras ➤ site internet
Château de Rouanne
Son vigneron, Louis Barruol, est une figure en Gigondas où il conduit un domaine familial, Château de Saint-Cosme, hérité d’un lignage qui remonte au XVème siècle. Entre ses mains, cette propriété pourtant sans passé reluisant est devenue une référence notoire de l’appellation. Son activité de négociant-éleveur suscite également l’estime des amateurs de vins cousus mains, s’agissant de crus rhodaniens septentrionaux véritablement produits par ses soins à une échelle artisanale à partir d’achats de raisins. A l’exception de Cornas et d’Hermitage, toutes les appellations ont un représentant portant la signature de Saint-Cosme. Ce n’est pas tout, puisque ses compétences et un esprit d’audace certain l’ont conduit aux États-Unis pour œuvrer avec ambition dans l’État de New York où il a fondé en 2011 une winery ayant pour nom Forge Cellars. Elle est située dans la région des Finger Lakes, où un climat particulier fait que riesling a trouvé une terre d’élection, tout comme des cépages septentrionaux à l’instar du pinot noir. L’envergure de son métier ne s’arrête pas là et s’apprécie également dans des vins conçus hors de tout élitisme, conviviaux et peu onéreux.
Cela dit, sa grande connaissance des terroirs rhodaniens n’a pas manqué de l’attirer à Vinsobres dont il affirme avec conviction qu’il s’agit « d’un des plus grands terroirs du Rhône Sud ». Et c’est en 2019 que se présente une opportunité qu’il n’a pas manqué de saisir : celle d’acquérir une propriété vénérable, le Château de Rouanne. Riche d’un lointain passé attestant de racines gallo-romaines et d’une possession pendant plusieurs siècles jusqu’à la Révolution par une famille seigneuriale, le Château de Rouanne comprend une soixantaine d’hectares de vignes dont 38 classées en cru. Constitué d’un seul tenant, son vignoble est situé sur le terroir du « coteau », le plus doué de Vinsobres selon le vigneron, partagé entre les lieux-dits Les Côtes et Rouanne et Les Crottes, à une altitude variant entre 270 m et 310 m. Sans être très âgées, une majorité des vignes a tout de même été plantée entre les années 1960 et 1970, époque bénie pour le matériel végétal, car exempt de variétés clonales. Ce patrimoine est entretenu consciencieusement en mode bio, une viticulture adoptée dès l’acquisition du domaine.
Le produit de ses vignes en Vinsobres se décline en trois cuvées dont la principale en volume est très significative de son potentiel puisqu’elle en représente environ 90 %. Titrée « Château de Rouanne » sans nom de cuvée, cette dernière se compose de grenache et syrah presque à parité, avec un léger avantage pour le premier (50 % contre 40 %), le mourvèdre les complétant. Sa conception obéit à des règles éprouvées de longue date par Louis Barruol dans son domaine de Gigondas, à savoir une cofermentation de tous les cépages opérée sans apport de levures et suivant un lent processus. Effectué majoritairement en fûts, son élevage se fait en pièces bourguignonnes (228 L) et demi-muids (600 L), des contenants de préférence peu avinés, mais jamais neufs. D’une durée d’un an, ce passage en bois se prolonge par un séjour encore plus long en cuve avant la phase d’embouteillage faite sans filtration, de manière à préserver au vin toute sa substance. Brillant témoin du millésime 2021, son Vinsobres ambassadeur nous en restitue la nature selon une expressivité peu commune. Littéralement modelée et pénétrée par une fraîcheur vibrante, son expression est d’autant plus stimulante qu’elle fait la part belle à un côté plaisir. Complet s’il en est, ce vin le souligne également par la qualité de sa structure perçue à ce stade.
Nom du lieu-dit de sa provenance, « Rouanne et les Crottes » est une cuvée marginale qui témoigne de vignes à mi-pente, là où se conjuguent toutes les vertus du terroir du « coteau ». Faite de grenache et de syrah dans des proportions presque similaires (respectivement 60 % et 40 %), elle suit un même mode de vinification que la précédente avec toutefois un élevage en fûts plus récents et dont la maîtrise est éloquente sur la foi du millésime 2021. Dans ce dernier, l’ambition s’y ressent, mais sans trait forcé, la notion d’équilibre prévalant dans sa conception. C’est ainsi que l’effet de consistance s’y trouve jugulé par la fraîcheur qui irradie dans tous ses aspects, jouant favorablement autant sur son profil que sur sa texture. D’autre part, si l’enveloppe tannique dit la jeunesse du vin, elle le dit avec distinction. La cuvée « Les Côtes » reprend elle aussi le nom du lieu-dit de sa naissance. Également peu produite, elle exprime surtout le fruit d’une syrah (80 %) qui croît sur le secteur le plus élevé et le plus frais du vignoble de Rouanne. Élaborée quasiment à l’identique et avec autant d’ambition que « Rouanne et les Crottes », elle s’exprime dans un style bien distinct, en lien étroit avec la nature de son constituant majeur. De celui-ci, la syrah, elle rapporte une teneur généreuse et profonde, mais là-aussi infiltrée d’une fraîcheur dont le tempo produit l’insigne dynamique qui confère toute sa grâce à une matière autrement concentrée. Tout comme son homologue, « Les Côtes » présente à ce stade une structure qui flatte au palais tout en portant les promesses de sa longévité, résumant en quelque sorte un style où ambition et épicurisme font la paire.
Mes vins préférés :
Vinsobres « Château de Rouanne » 2021
Engageant par son velouté, le nez l’est encore un caractère gourmand qui compose avec un boisé mesuré, laissant ainsi libre cours à une infinie variété de senteurs où dominent des sensations de fruits secs (figue) et de fruits rouges bien mûrs, auxquelles se mêlent des nuances d’olive noire, de poivre, de réglisse et d’épices douces comme du paprika.
La bouche se caractérise par une dynamique de fraîcheur dont l’action est des plus remarquables, vectrice de son ampleur et de sa franchise, et révélatrice de son expression à travers une texture pulpeuse et le caractère salivant des saveurs. En écho aux arômes, celles-ci persistent en finale sur un ton réglissé vigoureux qui infiltre une sensation tannique des plus soyeuses.
Vinsobres « Rouanne et les Crottes » 2021
D’un abord voluptueux, le nez s’accommode au mieux d’un boisé fin et précis pour permettre une large expression de senteurs épicées-poivrées, agrémentées d’un complexe de fruits très mûrs et gourmands (cerise, myrtille), et d’un accent floral (violette).
Conjuguant ampleur et volume, le profil de la bouche allège la perception d’une matière substantielle pour en souligner les reliefs et faire valoir ses contours juteux. Nourri d’un goût puissant et rémanent, porté sur le versant fruité et délicieux des arômes, le palais s’accommode sans coup férir d’une structure caressante tissée de tanins fins et tendres.
Vinsobres « Les Côtes » 2021
Densément fruité, le nez privilégie un caractère épicé avec lequel le boisé compose magistralement en laissant poindre un bouquet floral évoquant de la violette mâtinée de réglisse.
La concentration en bouche s’apprécie à travers la plénitude de sa silhouette, comme délivrée de sa pesanteur au profit d’ondulations tactiles où vient s’exprimer un goût suave et pénétrant, faisant écho aux arômes et qui découvre sa nature salivante au cœur de tanins d’un soyeux au toucher délicat.
Prix des Vinsobres cités :
2021 : 14 € – Rouanne et les Crottes 2021 et Les Côtes 2021 : 40 €
➤ Château de Saint Cosme – 126 route des Florëts – Gigondas (84190) ➤ site internet
Domaine Serre Besson
A l’échelle de la longévité d’une vigne, il s’agit d’un jeune domaine créé en 2011 par Victor Taylor et Xavier Nyssen, tous deux retraités de carrières bien distinctes. En effet, si le passé actif de Xavier était éloigné du monde du vin, celui de Victor lui était intimement lié, puisqu’il a exercé comme sommelier jusque dans de grandes tables new-yorkaises. Venus d’horizons très différents, ils se sont donc rassemblés autour d’un projet devenu une passion et qui a vu la métamorphose d’une fermette dans un état vétuste en épicentre d’un domaine viticole de taille artisanale, doté d’un cave des plus efficientes. Seuls quatre hectares le constituent, une superficie somme toute modeste, que vient compenser une situation en coteau des plus enviable, avec des vignes disposées en terrasses et d’un âge moyen élevé, de l’ordre du demi-siècle. Par chance, leur encépagement correspond peu ou prou à celui constaté sur l’appellation, avec une bonne moitié plantée en grenache, que complètent syrah, cinsault et de vénérables mourvèdres de près de 70 ans. La composition de leur Vinsobres correspond d’ailleurs aux plantations.
L’exigence mise dans leur unique cuvée en Vinsobres est appliquée à la lettre, faisant que nos vignerons figurent parmi les tout meilleurs interprètes du cru. Cette discipline, ils l’appliquent également à des expressions hors cadre, s’agissant de rouges en mono-cépage et d’un rosé, tous singuliers dans leur conception et déclassés en Vin de France. Leur « Rosé de macération » est ainsi élaboré en fûts et, sur la foi d’un 2023, joue sur une matière pulpeuse pour satisfaire sa vocation de rosé de table. La convivialité est aussi de règle dans les deux rouges intégralement obtenus sans sulfites ajoutés ni levures exogènes, au point de pouvoir prétendre à la mention « nature ». En tout cas, même si ce label n’est pas revendiqué, leurs expressions ne manquent pas de naturel. C’est donc le cas d’une syrah pure baptisée « Ragots » *, dont l’élevage en fût a incidemment accentué la gourmandise et profité à l’épanouissement de la texture, mais sans la peaufiner outre mesure, les tanins y étant sensibles, quoique plus astringents que crispants. Tel se présente son 2022, un millésime partagé par « Pauvre Diable », son alter ego en grenache, élaboré quant à lui strictement en cuves. Issu de très vieilles vignes (70 ans) vendangées en grappes entières, il en rend une sève qui inspire son caractère entier et sans apprêts, non dépourvu un fond savoureux et parfumé de notes de garrigue.
La jeunesse du domaine et la courte expérience de ses vignerons n’ont pas été un obstacle à l’achèvement de leur unique cuvée en Vinsobres, dont la fraîcheur de constitution l’identifie parfaitement à une vertu majeure du cru. Constaté depuis le millésime 2019, cet heureux aboutissement le doit à une meilleure acquisition de leur métier, y compris dans la tenue de vignes acquises alors dans un piètre état et désormais conduites en bio. Les prémisses d’une réelle qualité se perçoivent dans un 2018 aux belles modulations aromatiques, mais qui comparativement au 2021, le plus récemment mis en bouteille, paraît manquer de corps et de maturité, et présente une structure encore émergente. A son corps défendant, l’année a été qualifiée de froide dans le sud de la vallée du Rhône. Et c’est dans le contexte d’un millésime en tout point mieux doté, le 2019, que l’on mesure le progrès accompli par ses auteurs au bénéfice d’une expression littéralement exquise, équilibrée à souhait et d’un raffinement tannique confondant. Millésime moins gâté par la nature, plutôt proche du 2018, le 2021 a pourtant engendré ici un vin dans la lignée de l’excellent 2019, tant par la mise en valeur du fruit que par la dynamique qui l’anime. Bien qu’appelées à s’affirmer, ses qualités préfigurent déjà un épanouissement à l’égal de celui de son aîné.
* ragot : terme de chasse désignant un sanglier mâle solitaire âgé de 2 à 3 ans.
Mes vins préférés :
Vinsobres « Domaine Serre Besson » 2021
Dans une phase discrète, le nez dévoile cependant des notes fascinantes de fruits rouges, comme la fraise des bois et la cerise, en alternance avec un accent réglissé.
D’une belle étoffe, la bouche est littéralement modelée par une sensation de fraîcheur qui lui confère du volume et délie sa substance en préservant un moelleux que des sensations salivantes viennent titiller. Un fort goût réglissé anime de sa vigueur des saveurs sur une douceur gourmande puis s’insinue au cœur de tanins admirables de finesse et de soyeux.
Vinsobres « Domaine Serre Besson » 2019
Très attrayant, le nez fusionne avec bonheur le délice d’un fruit comme la myrtille avec la fraîcheur et l’énergie nées d’un complexe réglissé-floral, l’olive noire venant en contrepoint.
D’une amplitude remarquable, la bouche est dotée de surcroît d’un équilibre qui l’est tout autant pour s’incarner en un filet de matière littéralement succulent. Reconduites dans leur caractère gourmand, les saveurs sont exhaussées par un courant de fraîcheur qui empruntent aux arômes leur aspect réglissé, puis gagne l’entourage de tanins polis au point d’être presque insensibles.
Prix des Vinsobres cités :
2021 : 17 € – 2019 : 16 €
➤Les Côtes, Serre Besson, 26110 Vinsobres ➤ site internet
Domaine du Tave
En 2008, Audrey Latard s’émancipe du domaine familial, qui lui continue d’œuvrer dans le cadre de la coopérative, et fonde le sien dont les vignes en Vinsobres ne représentent que 1,2 ha en tout et pour tout. Il s’agit assurément du plus petit domaine indépendant du cru. Et si sa propriété ne se résume pas à cette surface, elle reste cependant très modeste, couvrant à peine quelques 4 ha de vignes classés en Côtes du Rhône. C’est pourtant en Vin de France qu’elle produit sa seule cuvée de blanc, et pour cause elle est issue de muscats petits grains plantés par ses soins. Ainsi pourvu, ce blanc n’a pas pour ambition de satisfaire les critères envisageables pour un Vinsobres blanc, parce que conçu humblement pour accompagner des moments conviviaux. Et le 2022 honore sa vocation de manière très satisfaisante, aromatique comme il se doit et sans manquer de substance.
En Côtes du Rhône, l’entrée en matière se fait par le rosé « Cuvée Délice » qui, pour ainsi dire, doit tout au rouge « Cuvée Création », puisqu’il en est une saignée*, autrement dit un jus clair de son géniteur. Suivant cette conception, grenache et cinsault réunis donnent un 2022 qui n’est pas loin d’accomplir la quadrature du cercle, se révélant à la fois gourmand, riche et désaltérant. Seul un penchant généreux pourrait lui être reproché. Quant à la « Cuvée Création », la vigneronne la définit comme un rouge sur le fruit, ce à quoi répond un 2021 d’approche facile avec son allure fraîche et savoureuse, et une structure qui ne rebute pas et dont le grain situe en partie le carignan, cépage devenu rare dans les parages de Vinsobres. Autre variété relativement marginale, le mourvèdre est un constituant non négligeable de la « Cuvée Sensation », un Côtes du Rhône Villages où l’on retrouve le classique duo grenache-syrah, le tout au bénéfice d’une expression de bon aloi, équilibrée, veloutée et servie par de jolis tanins. Cette description plutôt avantageuse vaut pour le 2021.
C’est à travers son Vinsobres que transparaissent de manière éloquente le métier et le doigté de la jeune vigneronne. Les vignes à son origine se situent juste au-dessus du village, au lieu-dit Gareu, une partie du terroir des « collines » très caillouteuse sur des argiles. D’une composition grenache-syrah dans le rapport 60-40 %, partagé par bien des vins du cru, sa « Cuvée Paradis » 2021 met en valeur son terroir dans ce que l’on a parfois qualifié de millésime de vigneron, pour dire que la qualité obtenue l’a été au prix de choix décisifs à des moments cruciaux du cycle de la vigne. En tout cas, le sien ne présente pas le profil plus svelte constaté ici ou là, bien au contraire, son caractère voluptueux détonne dans le contexte global de l’appellation. La pleine maturité a donc fait son œuvre dans une expression dont le fini des tanins est de surcroît exemplaire, alors que l’empreinte du boisé l’est tout autant par sa discrétion. La richesse du millésime précédent a été tout aussi bien appréhendée par Audrey, faisant que le 2020 de cette même cuvée rend naturellement la générosité de ses fruits. Et si son allure l’assimile aisément au 2021, ses qualités de fond y sont plus explicites, mais moins affirmées pour être pleinement appréciées, a contrario de ce dernier, plus accessible en l’état.
* rosé de saignée : il s’obtient en délestant puis en faisant fermenter le jus encore clair d’une cuve destinée à faire du rouge.
Mon vin préféré :
Vinsobres « Cuvée Paradis » 2021
Le nez dispense un fruit sur-mûri de baies noires (mûre-myrtille) donnant une sensation d’opulence mêlée de gourmandise, doublée d’un registre sous-jacent où se marient épices, olive noire et réglisse.
D’une rondeur avantageuse, la bouche témoigne d’un parfait équilibre et encadre une matière au toucher onctueux, un brin chaleureuse. Ses saveurs abondent d’un fruit repris des arômes, riche, sapide, volontiers salivant et qui se faufile au cœur de tanins magistralement résorbés pour procurer une impression finale des plus agréables, d’où émergent de fines notes boisées.
Prix du Vinsobres cité :
Cuvée Paradis 2021 : 10,50 € ; millésime 2020 épuisé à la vente
➤ Les Ratiers – 26110 Vinsobres
Domaine Vallot – Le Coriançon
Il s’agit d’un des plus anciens domaines familiaux de Vinsobres, dont les racines remontent aux années 1900 et qui depuis est toujours resté indépendant de la coopérative. Il doit sa notoriété à François Vallot qui l’a créé en 1976 avec pour nom « Domaine du Coriançon », empruntant celui de la petite rivière qui coule à proximité de sa cave. Aujourd’hui à la retraite, il est toujours présent en coulisse pour conseiller sa fille Anaïs, qui lui a succédé en 2014. Ayant adopté de longue date les pratiques de l’agriculture biologique, François Vallot a opté pour leur certification en 2007, doublant son engagement par une conversion à la biodynamie, obtenue la même année. Les bienfaits de cette viticulture se font sentir au cœur de vins dont le profil a évolué au fil du temps vers une grandeur éloignée du parti ostentatoire qui avait démarqué certaines de ses cuvées au sein du cru. Partie intégrante de son style, l’art du vieillissement n’est pas ici un vain mot, puisque les Vinsobres offerts à la vente affichent des millésimes aujourd’hui à point et sans l’ombre d’une ride, malgré 7 années de maturation pour certains. Cette pratique honore le domaine à une époque où la garde des vins n’est devenue qu’une promesse dont les œnophiles ne profitent hélas plus guère.
Anaïs Vallot exploite aujourd’hui un vignoble de taille moyenne (30 ha) dont les 3/4 des surfaces sont implantées en cru, formant un seul tenant au lieu-dit Les Côtes, sur le terroir du « coteau ». Sur ce site, les vignes sont étagées entre 300 et 360 m d’altitude, dans un secteur rêvé pour le grenache, avec en plus l’atout de l’âge, puisque certaines approchent les 70 ans. Majoritaire dans toutes les cuvées, ce cépage leur façonne une identité généreuse sans sacrifier équilibres et nuances qui, à n’en guère douter, doivent aussi à sa conduite en biodynamie. Sur cet aspect, les autres cépages avouent une longévité qui n’est pas moindre, surtout en mourvèdre, tandis que certaines syrahs portent bien leur demi-siècle. L’encépagement le plus ancien doit tout à son grand-père, Claude Vallot, dont la main qui l’a planté en 1961 en a un fait un précieux patrimoine. Fier de ses vins, Il avait alors participé à leur mise en valeur par le biais d’un collectif où il s’était beaucoup impliqué, s’agissant d’un groupement de domaines vignerons, une initiative hautement singulière en ce temps-là.
Trois Vinsobres rendent comptent de son terroir en un crescendo vers le point le plus haut de son vignoble qui se traduit dans une cuvée éponyme de son secteur, « Le Haut des Côtes ». Celle nommée « François », en hommage à son père, correspond au vin qui a toujours représenté le domaine dans sa globalité, son ambassadrice en quelque sorte. D’une composition typique sur le cru, avec 2/3 de grenache et 1/3 de syrah, plus un petit appoint de mourvèdre, elle incarne le Vinsobres authentique que nul effet d’élevage en fût n’est venu « arranger ». Ce style entier est sensible dans un 2020 où le grenache livre sa gourmandise et la syrah sa vigueur dans un concert de fraîcheur attendu d’un Vinsobres dans ce millésime généreux. Fruit des parcelles portant les plus vieilles vignes de grenache, la cuvée « Claude » nous remémore l’auteur de leur plantation, Claude Vallot, le grand-père d’Anaïs. Par la nature des contenants où il a été logé, barriques (225 L) et demi-muids (600 L), et la courte durée de ce séjour, l’expression de son 2017 ne se ressent en rien de son élevage qui en a raffiné l’allure tout en l’assurant d’une fraîcheur de fruit et de texture plutôt confondantes pour son âge. Si le boisé est plus sensible dans le « Le Haut des Côtes » du même millésime, il est toutefois ajusté à une matière plus riche, celle puisée à l’endroit de ses vignes où s’affirme la primauté de sols argilo-calcaires. Outre un élevage poussé qui a canalisé magistralement l’effet de corpulence, on peut également attribuer sa fougue incroyable à cette partie douée du terroir propre au domaine.
Au Domaine Vallot, le futur Vinsobres blanc est, pour ainsi dire, fin prêt pour être étiqueté sous ce label. En effet, en reprenant son intitulé, il se présente comme le pendant en blanc de la cuvée « Le Haut des Côtes », comme s’il anticipait son futur statut. Il faut dire que l’ambition y est également au rendez-vous. Avec un viognier dominant (60 %), il forme une heureuse alliance avec du grenache blanc et de la clairette au bénéfice d’une expression parfumée et charmeuse à souhait dans un concert d’élégance et de raffinement uniques sur le territoire du cru. Le 2023 est ainsi, foncièrement floral sur des notes fraîches mentholées et muscatées avec une touche abricotée en arrière-plan. Il séduit tout autant au palais par un profil ample, un toucher de matière onctueux et un goût à la fois intense, délicieux et remarquablement vivifiant.
Mes vins préférés :
Vinsobres 2020 « François »
Au nez, une approche suave conditionne et valorise un registre épicé-poivré qui se prolonge harmonieusement sur des notes de garrigue et de cade, tandis qu’un écho gourmand de fraise vient égayer sa perception.
Parfaitement agencée, la bouche ajoute à cette qualité celle d’un toucher de matière dont l’élégance le doit à son toucher onctueux. Sensible, sa puissance ne dépare pas son équilibre et intensifie un goût qui combine les arômes dans un fondu saisissant tout en révélant une composante réglissée. Teintée de fruit, une sensation salivante ravive agréablement une finale garnie de tanins légers et veloutés.
Vinsobres 2017 « Claude »
Le voile d’un boisé discret donne de la distinction à un nez fleurant un air de garrigue avant d’exhaler un registre mariant des fruits rouges (fraise-cerise) imprégnés d’épices.
En bouche, un état de plénitude donne de la grâce à une matière qui s’écoule une texture juteuse confondante par la haute teneur d’un fruit accordé l’aspect succulent des arômes. Ce caractère exquis se prolonge jusqu’à créer un effet de noble astringence en croisant la texture des tanins, au demeurant délicats et soyeux.
Vinsobres 2017 « Le Haut des Côtes »
Un air de suavité enveloppe un nez où l’expression d’un boisé raffiné cède volontiers à des senteurs florales et d’épices douces tel du paprika, auxquelles succède un parfum de garrigue puis celui de fruits rouges alternant entre cerise et fraise des bois.
D’un volume enviable, la bouche encadre une matière abondante rendue harmonieuse par un élan de fraîcheur qui, par ailleurs, en extrait une essence juteuse en parfaite adéquation avec la délicieuse traînée du goût de cerise qui couronne des saveurs épicées. Des tanins denses et soyeux accompagnent une finale rendue sapide et nerveuse par la rémanence de l’accent acidulé du fruit.
Prix des Vinsobres cités :
François 2020 : 12 € – Claude 2017 : 14,50 € – Le Haut des Côtes : 16 €
➤ Hauterives – 26110 Vinsobres ➤ site internet
La Vinsobraise
A l’origine de la moitié des volumes produits en Vinsobres, l’unique coopérative de l’appellation est de loin son principal acteur. Elle assume dignement sa position de leader à travers une gamme sans faille, conçue suivant un crescendo vers l’ambition. A la source, il y a un vignoble en cru qui ne représente pourtant que 10 % des surfaces totales qu’elle exploite sur plusieurs communes aux alentours, presque uniquement consacrées à la production en Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages. Les vignes ayant le meilleur potentiel bénéficient d’une identification particulière, tandis que les parcelles classées en Vinsobres sont l’objet d’un suivi chaque année de manière à permettre les ajustements qui s’imposent par référence aux différentes cuvées qu’elles pourvoient régulièrement.
Cuvée emblématique de la Vinsobraise, « Diamant Noir » rassemble grenache et syrah presque à parité (60 % contre 40 %), une composition typique sur le cru, délivrant un net caractère fruité alliant épices et fruits noirs sur la foi du 2022. Par ailleurs, une sensation juteuse atteste de son équilibre et créé une dynamique que renforce la fraîcheur du fruit, en faisant une expression déjà abordable, mais susceptible de bien évoluer grâce à une structure bien sentie. La cuvée « Origine » concrétise l’investissement en bio de la coopérative. Sa composition intègre une part de mourvèdre (10%) à l’assemblage canonique grenache-syrah, sans doute à l’origine du caractère construit et encore austère du 2022, assurément à attendre pour pouvoir apprécier son naturel et ses indéniables qualités de fond, obtenues grâce aux très faibles rendements des vignes à son origine.
Avec la cuvée « Emeraude », on aborde les Vinsobres élevés en fûts de chêne, celle-ci étant l’expression où le fruit est le plus apparent, aidée en cela par des contenants adéquats à son style. Ce sont ainsi des futs de 400 L, neufs pour un tiers d’entre eux, qui concourent à la texture fraîche et aérée d’un 2022 volontiers épicé et peu marqué par le bois. D’une constitution classique grenache-syrah à parts presque égales, il est largement appelé à s’épanouir, tout comme l’est « Therapius » 2022, où la syrah est très majoritaire (80%). L’élevage de ce dernier s’opère entièrement en pièces bourguignonnes (228 L) dont l’impact se ressent nettement dans un rendu ostensiblement boisé, malgré un usage mesuré de fûts neufs (pour un quart). C’est cependant à ce prix qu’il gagne un raffinement de texture à la hauteur de son ambition, appréciable après un temps de patience. Cela se vérifie d’ailleurs dans « Excellius » 2020, un vin d’exception issu d’une sélection parcellaire encore plus drastique. Élaboré sur le même mode que son alter ego sur la base un assemblage grenache-syrah plus classique (respectivement 60 % et 40 %), il témoigne avec éloquence de l’accomplissement d’un parti qui pourrait laisser dubitatif en vin jeune. Allant sur sa quatrième année, il n’a guère concédé sur l’acuité du fruit, tandis qu’un registre plus complexe et attrayant s’y fait jour.
A la Vinsobraise, la conception du futur cru en blanc n’est pas encore à l’ordre du jour, cependant, il pourrait bien épouser le profil de « Brume d’Hiver », un Côtes du Rhône qui fait actuellement sa fierté dans la couleur. Vinifié en fûts, il joue la carte de l’élégance et possède des qualité de corps sans perdre le fil de la fraîcheur. En tout cas, c’est à Estelle Tatat, sa nouvelle directrice, qu’il revient d’affilier la coopérative à ce nouveau défi, ce qui est prévu dès la prochaine récolte sous la forme d’un repérage de son meilleur potentiel dans la couleur.
Mes vins préférés :
Vinsobres « Émeraude » 2022
Bien expressif, le nez séduit par son caractère frais et velouté où l’on distingue une alliance harmonieuse entre des fruits noirs et des notes épicées-torréfiées, tandis qu’un aspect réglissé se fait jour à mesure de son aération.
Perçue à travers sa parfaite rondeur, la bouche contient une chair souple et pulpeuse, foncièrement savoureuse sur un goût s’identifiant aux arômes, où viennent s’inscrire des tanins légers et d’un grain soyeux.
Vinsobres « Excellus » 2020
Irradiantes et séduisantes, des senteurs d’un boisé toasté composent avec un net caractère épicé rehaussé d’une note d’olive noire.
Se déployant avec faste, la bouche dénote une fraîcheur sensationnelle qui s’infiltre au sein d’une texture riche pour la muer en une essence juteuse, assurant de la sorte son équilibre et son raffinement. Cette dynamique reçoit comme en écho l’énergie d’un goût réglissé avant de s’infléchir au contact de tanins caressants, parfaitement ajustés au corps du vin.
Prix des Vinsobres cités :
Origine 2022 : 7,65 € – Diamant Noir 2022 : 7,75 € – Émeraude 2022 : 9 € – Thérapius 2022 : 15,20 € – Excellus 2020 : épuisé à la vente
➤ Rue Reynard – Route Départementale 94 – 26110 Vinsobres ➤ site internet
Crédit photos : ©AOC Vinsobres
Je tiens à remercier le Comité des Vignerons de Vinsobres, et tout particulièrement Estelle Laget, pour avoir prêté son concours à la réalisation de cet article.
(1) La Revue du Vin de France, décembre/janvier 2005/2006
(2) Gault & Millau, magazine n° 72, année 2015
L’auteur de l’article :
Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ». |
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