Bordeaux : les crus classés 2007
Les années en « 7 » seraient-elles maudites à Bordeaux ? Après 77, 87 et 97, trois des plus faibles années du demi-siècle passé, 2007 semble confirmer, en partie, ce curieux acharnement. En cause, des étés particulièrement « pourris » : 1977, 1997 et 2007 possèdent les plus forts cumuls de pluie entre mai et juillet des 40 dernières années. Dans la vigne, cela se traduit par une pression constante des maladies (mildiou et botrytis surtout) et par une maturation très chaotique. De juin à août 2007, on ne recense que 12 « journées chaudes » (journées aux températures d’au moins 30°C ; plus de 2 fois moins qu’en 2006) ; et sans soleil, point de raisins mûrs ! Fin août, on frôlait donc la catastrophe et 2007 s’apprêtait à entrer dans le panthéon des désastres bordelais. Puis vint septembre, très ensoleillé, plus chaud que la moyenne et relativement sec, qui permit de sauver les meubles, à condition de retarder suffisamment les vendanges.
Les vins sont-ils mauvais ?
Le temps où les conditions météo dictaient seules leurs lois sur la qualité des vins est révolu. Il y a encore 10 ans, l’année aurait sans doute donné des vins maigres, secs ou végétaux (comme les 97) mais l’arsenal à disposition des vignerons, et leur savoir faire accru, leur permettent aujourd’hui de tirer honorablement leur épingle du jeu même dans des conditions difficiles : dans la vigne, les travaux en vert, la maîtrise des rendements et les dates des vendanges auront été déterminants ; dans le chai, l’expression du fruit passait par un tri drastique des raisins, mais aussi par des extractions et des élevages mesurés. Beaucoup de domaines ont procédé à des macérations pré-fermentaires à froid, technique de plus en plus utilisée pour extraire des arômes fruités frais avant la fermentation.
Certes, 2007 n’est pas un grand millésime, mais il offre, surtout sur la rive gauche (Graves et Médoc), des vins rouges parfois séduisants, plutôt tendres et fruités, aux tanins lissés, qui ont l’avantage de pouvoir être bus rapidement. Quelques châteaux ont même su produire des vins conséquents, structurés, dans un style de vin de garde, mais au prix d’une sélection impitoyable et d’une petite quantité du 1er vin. En blanc, les producteurs ont su jouer de la fraîcheur du millésime pour offrir des vins toniques, plutôt aromatiques, parfois d’une belle finesse, mais ce n’est pas le très grand millésime de blanc sec annoncé. Les liquoreux en revanche ont bien profité d’une arrière-saison clémente et s’en sortent très bien dans un style qui ne manque ni de concentration ni de puissance.
Faut-il en acheter ?
Les grands vins de Bordeaux ont cédé aux sirènes de la finance internationale, dans des proportions aussi délirantes que les valeurs financières. Au plus fort de la spéculation sur les 2005, le centilitre de 1er grand cru classé pouvait dépasser le cours du gramme d’or ! Depuis, la bulle a fait pschitt et il faut évidemment s’en réjouir. A Bordeaux, la stratégie économique tient en une phrase : tirer sur la corde jusqu’à ce qu’elle cède. Les grands châteaux vivent donc au rythme de ces cycles qui voient alterner périodes de hausse et chutes brutales. Au moment de leur sortie en primeurs, c’est à dire en avril 2008, les prix des 2007 étaient totalement déconnectés de la qualité intrinsèque des vins, ce qui n’a guère arrangé la réputation du millésime. Depuis, la courbe des cours s’est inversée. Les 2007 posent un problème à peu près inextricable aux intermédiaires qui les ont achetés au plus haut de la bulle et qui doivent maintenant réduire drastiquement leurs marges pour écouler des stocks bien lourds à gérer. Un sacrifice d’autant plus nécessaire qu’il faut faire de la place pour les 2008 annoncés meilleurs et moins chers et dégager des liquidités pour les 2009, à peine récoltés et déjà encensés.
Les prix des 2007 sont donc redevenus parfois décents (il y a des exceptions, notamment chez les grands noms). On peut trouver des crus classés sous les 30 et parfois les 20 euros, certains affichant des prix en recul de 50% par rapport au 2006. Quand la qualité est là, il y a donc de vraies bonnes raisons d’acheter des 2007 à condition d’être très sélectif et de viser une consommation relativement rapide (5 à 10 ans), car il ne s’agit pas, pour la plupart, d’une année de grande garde.
Condition de dégustation :
Nous avons goûté plus de 100 vins, le même jour et à découvert, un peu dans la cohue, à l’occasion de la dégustation annuelle de l’Union des Grands Crus de Bordeaux qui regroupe l’essentiel des crus classés et assimilés mais également un certain nombre de châteaux provenant des AOC Médoc, Haut-Médoc, Listrac et Moulis. La plupart des premiers grands crus classés, qui snobent régulièrement ce rendez-vous, n’ont pas pu être goûtés ainsi que quelques autres ténors, dont l’ego est manifestement aussi boursouflé que leur niveau de prix.
10 bonnes affaires*
- Château La Lagune Haut-Médoc Rouge 2007
- Château Prieuré Lichine Margaux Rouge 2007
- Château Guiraud Sauternes Blanc 2007
- Château Carbonnieux Pessac-Léognan Blanc 2007
- Château Carbonnieux Pessac-Léognan Rouge 2007
- Château Coutet Barsac Blanc 2007
- Château La Tour Blanche Sauternes Blanc 2007
- Domaine de Chevalier Pessac-Léognan Rouge 2007
- Château Giscours Margaux Rouge 2007
- Château Siran Margaux Rouge 2007
* les bordeaux 2007 référencés sur les sites partenaires sont parfois vendus « en primeur », ce qui implique des délais de livraison longs et des prix affichés en hors taxe.
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