Les vendanges
Parmi les multiples étapes qui mènent du raisin au vin, les vendanges revêtent une très grande importance, à la fois réelle, car on ne peut évidemment pas faire du vin directement sur les vignes, mais aussi symbolique et imaginaire.Qui n’a pas en mémoire des scènes de joie (et de peine, car le boulot est physiquement pénible, surtout par mauvais temps !) liées à la cueillette de raisins entre copains et collègues, des images souvent un peu bacchanales et païennes qui célèbrent la vie et les saisons ?
Quand les vendanges ont-elles lieu ?
Les vendanges 2008 ont eu lieu, dans l’hémisphère sud, entre les mois de février et d’avril. Dans l’hémisphère nord, elles ont débuté vers la mi-août, pour les régions les plus précoces et les plus chaudes, c’est-à-dire le sud de l’Italie, de l’Espagne et de France, entre autres. En Provence, par exemple, elles ont commencé le 25 août. Pour les vins rouges, et dans les régions plus fraîches, les vendanges auront lieu à partir de mi-septembre et se prolongeront bien au-delà. En ce qui concerne la France, les dates cette année constituent un retour vers des valeurs plus « normales » après des années de vendanges précoces probablement liées au réchauffement climatique.
Les dates précises varient, bien sûr, en fonction de différents paramètres : la climatologie (quand il fait très chaud en été, comme en 2003, les dates sont avancées, à condition qu’il y ait suffisamment d’eau dans le sol), le cépage (chaque variété a son cycle végétatif spécifique), et le type de vin recherché. Pour ce dernier point, et pour simplifier, plus vous cherchez à faire un vin puissant et riche, plus vous allez retarder la date de vos vendanges, non seulement afin d’augmenter le taux de sucre dans le raisin (et donc d’alcool dans le vin), mais aussi d’amener les tannins de la peau et des pépins du raisin à une « bonne » maturité, en évitant la verdeur et l’agressivité de tanins pas assez mûrs. Dans le cas d’un vin blanc doux ou liquoreux, il est évident que les raisins seront cueillis plus tard que ceux destinés à un vin sec issu de la même région et des mêmes cépages. D’où l’expression « vendanges tardives » utilisée en Alsace, par exemple. Dans le cas des vins secs, il faut surveiller l’acidité des raisins qui a tendance à baisser rapidement à la fin de la phase de maturation. Autrement dit, il est souvent difficile de combiner un haut degré de maturité des raisins, capable de fournir des vins aux saveurs intenses et arrondies, plaisants dès leur jeunesse, et une « buvabilité » qui vient, entre autres, d’un bon niveau d’acidité dans ces mêmes raisins. D’où l’importance, en plus du respect de la pérennité des sols, de porter une attention accrue aux techniques de culture permettant de conserver un maximum d’acidité naturelle dans les raisins, tout en les amenant à des degrés de maturité qui rendront les vins agréables dans leur jeunesse.
Les techniques de vendanges
Après la question des dates de vendanges, évoquons les techniques de vendanges et leur influence sur le type et le style des vins qui en résultent.Les vendanges se pratiquaient traditionnellement à la main. Je parle au passé, car cette méthode est en nette régression aujourd’hui, et plus de 70% de la récolte annuelle en France est vendangée à la machine.
Il ne faut pas raisonner d’une manière simpliste sur ce sujet. Les machines modernes, correctement utilisées et sur une vigne bien préparée, peuvent donner d’excellents résultats surtout quand elles sont associées à des tables de tri sophistiquées qui permettent d’éliminer, à l’arrivée dans le chai, les parties vertes et les raisins dont l’état sanitaire et/ou de maturité laissent à désirer.
Si les raisons principales du succès de la machine sont la pénurie et le coût de la main-d’œuvre saisonnière fiable, elle a aussi des avantages pratiques. En cas de menace de pluie, la machine travaillera bien plus vite que l’homme et si nécessaire 24 heures sur 24 (en relayant les conducteurs bien sûr). Avec à la clé, une récolte sauvée.
Certaines appellations interdisent l’emploi de la machine à vendanger, pour des raisons techniques. C’est le cas en Champagne et en Beaujolais, où les technique de pressurage (Champagne) et de vinification (Beaujolais) nécessitent l’arrivée au chai de grappes entières de raisins, et non pas des baies détachées de la grappe. Or, la machine ne sait pas encore couper des grappes entières proprement.
Certaines situations topographiques ou d’organisation du vignoble (terrain accidenté ou vigne plantée en terrasses, sol boueux et en pente) empêchent aussi le recours à la machine.
Enfin, pour des raisons de choix techniques on peut choisir de vendanger à la main plutôt qu’à la machine, même lorsque ce n’est pas une obligation dans les décrets d’appellation. C’est très souvent le cas pour des vins blancs quand on veut amener des grappes entières au pressoir. Signalons aussi que la plupart des vins les plus chers sont issus de vendanges manuelles, autant pour des choix techniques que pour des questions d’image.
Un des apports de la machine a été la vendange nocturne. Cette technique, initialement introduite en Australie pour contrer les méfaits d’une température trop élevée sur des raisins blancs, a été introduite dans le sud de la France par des consultants australiens. En « rentrant » les raisins avant l’arrivée des fortes chaleurs on préserve les arômes et on limite les problèmes d’oxydation.
On peut aussi vendanger la nuit et à la main, mais c’est une sacrée organisation. Certains producteurs en ont fait une belle opération de communication : c’est le cas de l’excellent producteur sicilien Donnafugate (de la famille Rallo) qui opère ainsi depuis 1998 pour certains de ses vins blancs, et souvent en faisant la première vendange de l’année dans l’hémisphère nord.
Enfin, n’oublions pas les vendanges tardives, parfois par passages successifs dans les vignes pour récolter uniquement des raisins « pourris », attaqués par le champignon botrytis cinerea, et particulièrement concentrés en sucre, comme en acidité et autres substances. Ce type de vendange, nécessairement manuelle et coûteuse en main d’œuvre, a lieu en France – en Alsace, dans la Loire et le Sud-Ouest (avec ou sans botrytis) – et dans bien d’autres pays, dont l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Suisse, l’Italie et les pays du Nouveau Monde.
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