18 crémants dignes des fêtes de fin d’année
On vous imagine hésiter, un peu fébrile, à l’heure de choisir quelle bulle fera honneur aux fêtes de fin d’année : champagnes, crémants, autres mousseux ? Et puis finalement, anticipant le reproche muet de vos convives (« il aurait quand même pu de fendre d’un champagne »), vous finissez par choisir ce « bon petit champagne de producteur » à 15 euros que votre collègue vous vante depuis 10 ans. La culpabilité aura eu raison du vieil adage « mieux vaut boire un bon crémant qu’un mauvais champagne » qui doit agacer au plus haut point les (bons) producteurs de crémants. Le crémant comme simple ersatz économique au mauvais champagne a vécu car celui qui était présenté comme le « champagne du pauvre », à noyer sous une bonne dose de crème de cassis, ne cesse de progresser au point de devenir une alternative parfois bluffante à la bulle champenoise, à prix bien plus doux
Qu’est-ce qu’un crémant ?
Derrière ce mot se cache une belle variété de vins effervescents produits aux quatre coins de la France. Leur point commun ? Une vinification identique à celle en vigueur en Champagne, c’est à dire avec une seconde fermentation en bouteille, ce qui leur a longtemps valu le nom de « Méthode Champenoise ». Privé du droit d’utiliser la formule, ils sont devenus Crémant en 1975, choix un peu curieux quand on sait que cet autre terme champenois désignait jadis des vins « ratés », c’est à dire à faible pression. Le terme est aujourd’hui protégé et son usage est réservé à sept régions de production (Alsace, Bordeaux, Bourgogne, Die, Jura, Limoux, Loire) en attendant de possibles extension à la Savoie et à la Lorraine. Outre la seconde fermentation en bouteille, d’autres exigences pèsent sur leurs méthodes de production, fixées par chaque région (cépages, vendanges, pressurage, durée de vieillissement sur lattes). Ce qui a changé ? Une meilleure qualité de raisins, des vendanges sur mesure, un vieillissement plus soigné, une vraie considération pour la bulle de la part des producteurs et une exigence nouvelle du consommateur. C’est donc moins de vins médiocres mal maquillés par le dosage et de plus en plus de bouteilles agréables avec des hauts de gamme qui peuvent chahuter les bons champagnes dans les dégustations à l’aveugle.
Diversité des styles
Une récente dégustation d’une cinquantaine de cuvées présélectionnées nous a donné l’occasion de valider ce constat. Verdict, un nombre élevé de bons crémants, et la constatation qu’il existe une réelle et réjouissante diversité de styles. Environ 8000 hectares de vignes sont consacrés à la production des crémants, des bords de Loire aux hauts plateaux de Limoux, en passant par le piémont des Vosges, la vallée de la Drôme ou la Gironde : on comprendra facilement que l’on ne récolte pas le même raisin dans le Jura que dans le Languedoc, a fortiori quand les cépages ne sont pas les mêmes. Une même technique de production mais des caractères bien affirmés, reflets des climats et des cépages propres à chaque région : en coups de cœur, le Jura, avec des vins singuliers et toniques, et les Limoux, étonnants d’équilibre, sans oublier les belles bouteilles de Loire, Bourgogne et Alsace. Nous y avons ajouté quelques coups de cœur glanés au gré de nos récentes dégustations.
Notre sélection
> Mise à jour : décembre 2020
Crémant d’Alsace
Bestheim – Grand Prestige Brut – Millésime 2014
Des délicates nuances florales se distinguent parmi des senteurs où l’on ressent le subtil fumé de la minéralité. Un beau volume en bouche encadre une matière dont on apprécie d’autant mieux le relief et l’onctuosité que l’effervescence en anime la texture. Paré du charme sapide de l’épanouissement, son goût affirme son acuité à travers la noblesse d’une patine minérale. (14 €, en promotion à 11,20 € jusqu’au 31 décembre)
Crémant de Bordeaux
Jaillance – Brut 2015
D’élégantes impulsions de la bulle distinguent un nez teinté d’un joli fruit et de sensations iodées. L’harmonie gouverne en bouche, façonnant sa rondeur et une texture faite d’une matière abondante et d’une effervescence à sa mesure. Pris entre de fines notes acidulées et de nobles amers, son goût en devient attachant. (6,95 €)
Crémant de Bourgogne
Clotilde Davenne
Les Temps Perdus est un nom de domaine du chablisien constitué de nombreuses parcelles, reflets d’appellations de la Bourgogne Auxerroise, Chablis en tête. Clotilde Davenne, sa vigneronne, connaît bien son terrain pour avoir longtemps exercé comme maître d’œuvre au sein d’une maison réputée de Chablis. Cependant, avec le crémant, elle accomplit un rêve caressé au début de sa carrière, celui de faire du champagne ! De cet idéal est resté l’esprit d’excellence dont elle entoure l’élaboration de ses crémants. Elle le concrétise d’autant mieux qu’elle exerce dans une région dont les blancs sont la grande vocation. Aussi, ses effervescents sont-ils choyés comme ses vins tranquilles et, tout comme eux, ne s’appuient sur aucun artifice autorisé dans les usages. Ils s’inscrivent dès lors dans la catégorie « extra brut » aujourd’hui très tendance et dont un public d’amateur apprécie le côté vrai et sans fard.
Extra-Brut
Les senteurs embaument la brioche fraîche puis diffusent élégamment leur appétence. Signe d’un magnifique équilibre, et à la faveur d’une bulle caressante, la matière « flotte » en bouche et s’apprécie d’autant mieux qu’elle affirme une pureté de goût sans pareil, d’où filtre un aspect tonique, comme citronné, ainsi qu’un grain minéral au fin ciselé. (13,30 €)
Domaine Chevrot et Fils
Au sein de la même famille depuis près de deux siècles, ce domaine bourguignon est conduit très consciencieusement par les frères Pablo et Vincent Chevrot. Ils exploitent des vignes en Villages et en 1er Cru sur Maranges et Santenay, et d’autres en Hautes Côtes de Beaune ainsi qu’en appellation régionale Bourgogne ou Crémant de Bourgogne. En possession d’un patrimoine de vignes remontant à trois générations, nos vignerons l’entretiennent par un savoir-faire où le respect de l’environnement constitue une préoccupation majeure. Ainsi, leur travail au vignoble va au-delà des préconisations élémentaires de l’agriculture biologique et s’inscrit largement dans une approche préventive, tandis que la constitution d’une biomasse strictement végétale procède du même esprit. Le labour pratiqué au cheval est également une facette de cette viticulture alternative. Un soin identique entoure la conception des vins et des crémants, ceux-ci étant élaborés comme des produits à part entière, fruits de parcelles dédiées et d’une longue maturation.
« Les bulles de Paul » – Brut
Des arômes fleuris et de brioche au beurre distinguent une olfaction très engageante où l’on discerne par ailleurs un séduisant soupçon de fraisier. La bouche déploie un grand volume autour d’une matière substantielle, animée d’une bulle tendre, aux saveurs intensément délicieuses, harmonisées aux arômes et soulignée par une minéralité au toucher soyeux. (15,60 €)
Simonnet-Febvre
Au milieu du XIXème siècle, comme il était d’usage sur Chablis, Jean Febvre élabore un vin effervescent que l’on appelait alors « Chablis mousseux », l’ancêtre du Crémant de Bourgogne. Aujourd’hui, cette vénérable maison, fondée en 1840, perpétue avec succès cette tradition, qu’elle est d’ailleurs la dernière à honorer sur cette illustre commune. Elle le fait d’ailleurs au grand jour en y consacrant le quart de sa production. Renommée pour cette lointaine vocation, Simmonet-Febvre l’est tout autant pour ses Chablis, et surtout ses premiers et grands crus. Son savoir-faire en crémant est patent, y compris dans les cuvées faites exclusivement de pinot noir, un cépage plutôt marginal dans la Bourgogne auxerroise. Malgré son ancienneté, son style ne fait pas dans le genre suranné, car ses crémants sont peu ou pas du tout dosés, y compris ceux de la gamme courante.
« Cuvée S » – Brut Millésime 2014
Un nez aérien et d’une grande fraîcheur dévoile un fond minéral évoquant la pierre à fusil, et discrètement brioché. Particulièrement ample, la bouche contient une matière onctueuse et mousseuse, d’un fruit raffiné aux contours agrumes-acidulées, que la minéralité cisèle et épure pour le mieux. (13,20 €, en promotion à 10,55 € jusqu’au 23 décembre)
« Dosage Zéro » – Blanc de Blanc – Millésime 2013
Séduisante, son approche évoque des senteurs franchement fruitées, mêlant de notes de viennoiserie et la touche d’un fruit frais comme la pomme, avec un soupçon minéral sous-jacent. D’une ampleur sensible et d’un corps bien agencé, la bouche est soulignée par une bulle fine et discrète, valorisant un vin qui se savoure longuement avec délectation et sans se ressentir de son absence de dosage. Concluant l’expression, une trame minérale élégante porte la signature de son terroir du chablisien. (13,80 €)
Crémant de Die
Domaine Achard-Vincent – « P’tit Jules » Brut
Exalté par de la fraîcheur, le nez gagne encore en expressivité par l’énergie de la pétillance, tout en découvrant sa nature vineuse. Un même schéma qualifie une bouche où la matière abonde à l’égal de l’effervescence pour produire un heureux effet crémeux. Sensible en arrière-plan, le vin parle à travers l’énergie du fruit et une minéralité délicate. (12,10 €) BIO
Crémant du Jura
Caveau des Byards – « Prestige » Brut
Son approche sémillante est le produit d’un picotement fruité égayé par un parfum de pomme. Riche d’une matière fine, la bouche l’est tout autant en effervescence, gagnant ainsi son équilibre, tandis qu’un fruit particulièrement gouteux et salivant fraye de son expression l’enveloppe minérale. (13,50 €)
Fruitière de Voiteur – Brut
Enlevé et charmeur, le nez exprime une senteur fraîche de brioche dans une ambiance minérale de pierre à fusil. D’une confortable rondeur, la bouche fait valoir une matière onctueuse, agréablement animée par une bulle en verve et gagnant de la tenue par une incidence de son maillage minéral ; des caractères renforçant sa vocation apéritive. (7,90 €)
Crémant de Limoux
Antech – « Héritage » Brut
La vivacité et la gourmandise du fruit captivent les arômes et suscitent une irrésistible appétence. En bouche, une rondeur accueillante est le cadre d’expression d’une matière aux contours crémeux et riche de saveurs toniques. Délicieux, l’ensemble trouve son point d’orgue dans une minéralité particulièrement douce. (13,90 €)
J. Laurens – « Clos des Demoiselles » Brut
Très frais et plein de distinction, le nez laisse échapper des odeurs rappelant de la brioche fraîche et de la pomme caramélisée. A ce préambule engageant succède le faste d’une bouche où l’effervescence valorise une forme ample et gracieuse, et révèle un goût intensément savoureux et qu’un grain minéral ponctue de son grand soyeux. (12,80 €)
Sieur d’Arques
Acteur majeur en Crémant de Limoux, la coopérative Sieur d’Arques se trouve sur les terres où le vin effervescent pris naissance, vers le milieu du XVIème siècle. Elle porte en quelque sorte l’héritage de ce vin ancestral, qu’elle reconduit aujourd’hui à travers la Blanquette de Limoux. Ce savoir-faire a été brillamment transposé dans ses crémants, avec le bénéfice d’une connaissance très approfondie de son vignoble (3.800 parcelles identifiées !) et de sa maîtrise des techniques de l’effervescence. Ramené à l’unité de terroir, son vignoble est déterminé par quatre zones d’influence climatique, donnant autant de cuvées dans sa gamme prestigieuse de vins blancs tranquilles, baptisée Toques & Clochers, un nom désignant par ailleurs un crémant conçu comme une synthèse de ces quatre terroirs.
« Première Bulle » Brut
Une fascinante sensation de fraîcheur caractérise un nez inspirant par ailleurs un raffinement indéfinissable, champenois osons-le dire… Volume et amplitude façonnent superlativement une bouche faite d’une chair onctueuse et crémeuse, dont la dynamique est le fait de fines touches d’un fruit évoquant la succulence d’une pomme reinette, et de nervures minérales. (10,20 €)
« Toques et Clochers » Extra-Brut – Millésime 2014
Son nez se rapproche de celui d’un vin tranquille, et s’exprime avec distinction sur un ton délicatement mentholé. Frisant la perfection, son équilibre se perçoit dans une sensation de sphéricité en bouche, avec pour heureuse incidence une chair d’autant mieux sublimée qu’elle intègre à merveille l’effervescence. De subtiles tensions suscitées par un fruit inspirant de l’agrume et un maillage minéral harmonieux parachèvent son expression. (29 €, édition très limitée, livré en étui)
Crémant de Loire
Amirault – Brut
Respirant la plénitude d’un vin tranquille, son nez gagne sa dimension de fraîcheur par l’action d’une effervescence qui influe de son nerf sur une matière pleine dont les indéniables qualités de fond se traduisent par un goût très séduisant de fraise sauvage. Sa rémanence s’exprime par des ramifications minérales bien alliées à un rayonnement acidulé du fruit. (13,25 €)
Langlois-Château – Brut
Joliment et délicatement fruités, ses arômes dispensent une sensation de fraîcheur ainsi qu’un aspect minéral crayeux. D’une rondeur élégante et sous la coupe d’un goût charmeur, la bouche marrie harmonieusement matière et effervescence. Un arrière-plan minéral et des sucs gourmands animent agréablement l’impression finale. (13,20 €)
Crémant de Savoie
Maison Philippe Grisard
Ancien pépiniériste, Philippe Grisard honore à leur valeur la richesse et spécificité de la Savoie des vignes. Son domaine le reflète à travers une diversité unique de cépages exclusifs à la région – jacquère, altesse, mondeuse noire – et même des variétés marginales, voire rares – mondeuse blanc, persan, verdesse, étraire de la dhuy –. Ce patrimoine trouve ici un interprète aussi talentueux que passionné, et qui ne rechigne pas à le faire valoir par autant de cuvées. Son unique crémant répond à cette philosophie en faisant la part belle aux cépages savoyards altesse et jacquère, composant plus des trois-quarts de l’assemblage. Ajusté pour le plaisir du palais, il ne sacrifie pas pour autant les traits de son identité.
« Envol » Brut
Au nez, il retient par le « picotement » sémillant des bulles sur un fond frais que parsème une sensation de minéralité crayeuse. La bouche fait valoir une belle rondeur qui contient une texture crémeuse au goût persistant et finement soulignée par une minéralité passée au filtre d’un fruit charmeur. (12,30 €)
Jean Perrier et Fils – Brut
Minérales et veloutées, les senteurs sont captées par l’agrément d’un fruit vivace pouvant rappelant la pomme verte. D’une grande amplitude, son profil recueille une matière moelleuse, d’une douceur bien sentie pour flatter les sens. Cependant, le nerf du fruit ajouté à un caractère minéral sensible lui confère un ton savoureux et revigorant, parfait dans une vocation estivale. (12,40 €)
Crédit images : Aline Colombe
Merci pour cette étude qui nous permet de faire des choix avisés. Je ne regarderai plus les crémants du même œil.
Merci Monsieur Boudellal pour cet article très complet. Et au nom de toute l’équipe Amirault-Clos des Quarterons, nous vous souhaitons d’excellentes fêtes de fin d’année, qui seront j’en suis certaine, joyeusement accompagnées des meilleurs flacons !
Bien Amicalement.
Audrey – l’équipe Amirault