Le nouveau classement des Crus Bourgeois du Médoc
Pour le millésime 2008, 243 châteaux ont été approuvés sur 290 candidats. Que faut-il en penser ?
Qu’est-ce qu’un « cru bourgeois » à Bordeaux ?
C’est un domaine bourgeois… autrement dit, à l’origine, un vignoble détenu par un bourgeois. Cette mention serait apparue dès le XV ème siècle, à une époque où la bourgeoisie girondine était déjà toute puissante et contrôlait l’essentiel du commerce des vins de Bordeaux. Jusqu’au XIX ème siècle, à Bordeaux, on désignait un cru d’après le statut social de son propriétaire : il existait des crus bourgeois comme il existait des crus paysans et des crus artisans (ces derniers existent toujours à Bordeaux). S’afficher «bourgeois» était à la fois un moyen de se pousser du col, art très médocain, et surtout de vendre à profit sa production.
Cacophonies bordelaises
A l’orée du classement de 1855, tous les grands châteaux faisaient donc partie de cette catégorie. Cette année là, en vue de l’Exposition Universelle, et pour dégager l’élite du Médoc, on dresse un classement des meilleurs châteaux, ou en tous cas des plus chers, sur la base de l’historique récent des cotations. Ceux figurant dans les cinq premiers rangs deviennent les « crus classés » (en fait des crus bourgeois classés), et ce sont ceux que l’on connaît encore aujourd’hui, moins quelques disparus. Reste sur le carreau l’essentiel des autres châteaux du Médoc. Ils le resteront jusqu’en 1932, année de publication d’un premier classement des « crus bourgeois » qui sera révisé en 1962. Même officieux, ces classements serviront de référence pour l’usage d’une mention qui va peu à peu faire son effet auprès du public. A tel point que le bataillon des « bourgeois » grossit abusivement car enrôlant un peu tout et n’importe quoi, la seule exigence pour y accéder étant d’être affilié au syndicat. Il devenait urgent de faire le ménage. En 2000 un arrêté ministériel fixe enfin un cahier des charges et un classement officiel est publié en 2003, avec une sévère cure d’amaigrissement : 243 des 490 candidats sont recalés et une hiérarchie établit des Crus Bourgeois, des Crus Bourgeois Supérieurs et des Crus Bourgeois Exceptionnels. S’ensuivra un marathon juridique dont les bordelais ont le secret avec contestation, procès, recours et annulation dudit classement, et même suspension de la mention en 2007.
Aujourd’hui : un agrément (ou un label) plus qu’un classement
On remet courageusement l’ouvrage sur la table avec un nouveau projet de qualification. Echaudée, l’Alliance des cru bourgeois (ex Syndicat), sous la férule du très dévoué Thierry Gardinier, couvre ses arrières et s’attache les services d’un organisme de certification (Veritas), extérieur au sérail et qui intervient à toutes les étapes du processus. A l’arrivée, il ne s’agit plus d’un classement de châteaux mais d’un agrément annuel donné à un vin de chaque propriété, et uniquement pour le millésime en cours. Des inspections systématiques de chaque propriété sont conduites par le Bureau Véritas, et une dégustation à l’aveugle est conduite par des jurys dont la compétence et l’indépendance sont vérifiées par Veritas.
Dans la bataille, les crus bourgeois ont perdu leur avant-garde, c’est à dire les anciens « exceptionnels » qui ne goûtent sans doute guère d’être soumis à cet examen de passage et qui semblent davantage lorgner du côté des crus classés (même s’ils se retrouvent du coup sans grade) mais, pour les consommateurs et amateurs, la lisibilité et la crédibilité de la mention « cru bourgeois » se trouvent améliorées.
Donc, c’est quoi maintenant un cru bourgeois ?
Concrètement, c’est un château du Médoc (donc un producteur de vin rouge uniquement) qui a réussi l’examen de passage (s’il s’y est soumis évidemment) et qui peut arborer sur la bouteille le logo « Cru Bourgeois » pour le millésime jugé (2 ans après la récolte), et seulement celui-ci, l’examen de passage étant répété pour chaque nouveau millésime. Pour le millésime 2008, 243 châteaux ont été approuvés sur 290 candidats. Que faut-il en penser ? A priori du bien, car l’agrément semble sérieux et surtout refait chaque année, ce qui est unique à Bordeaux où les classements sont soit gravés dans le marbre (crus classés de 1855 et crus classés de Pessac-Léognan) soit revus tous les dix ans (Saint-Emilion) avec les complications que l’on connaît en ce qui concerne ce dernier. C’est donc une raison de plus de s’intéresser à cette catégorie de châteaux « intermédiaires » dont les prix n’ont rien à voir avec ceux pratiqués par les crus classés, même dans les années de délire spéculatif, et qui offre des vins parfois très conséquents qui talonnent dans certains cas les crus classés.
Je croyais que la Je croyais que la dénomination « cru bourgeois » était maintenant interdite. Ce n’est donc pas le cas ?