Les fraîches vertus de Visan, « Villages » des Côtes du Rhône
De source sûre, la vigne résonne dans le village drômois de Visan depuis 1475, année de création de la confrérie Saint-Vincent, elle-même émanation d’une corporation vigneronne mentionnée au milieu du XIIIème siècle comme disposant d’un pressoir banal*. Côté légende, on dit que le territoire de l’ancienne Enclave des Papes, où s’inscrit Visan, fut acquis par la papauté d’Avignon grâce à la vertu médicinale de ses vins ! Ces émergences historiques doivent toutefois être appréciées dans la très longue durée d’un pays qui plonge dans la romanité les racines de sa vocation viticole, et dont l’actualité se confond avec une reconnaissance jamais affirmée à un tel niveau.
Distingué dès le début de la hiérarchisation des Côtes du Rhône, en 1967, son vignoble a été élevé au statut de « Villages » avec le privilège de revendiquer le nom de sa commune de tutelle. C’est donc la dénomination « Côtes du Rhône Villages Visan » qui désigne les vins satisfaisant des critères propres à la catégorie supérieure aux Côtes du Rhône. Avantagés par un terroir où la fraîcheur modèle les vins, rendant leur caractère généreux d’autant plus appréciable, les Visan bénéficient en outre de l’esprit d’émulation caractérisant la génération de vignerons qui est venue au fil des ans enrichir le cœur qualitatif et créatif de l’appellation. Né d’une coopérative pionnière et au parcours exemplaire, ce noyau fécond est l’auteur de vins aux tonalités sémillantes, chacun reflet d’un savoir-faire et d’un style. Découvrons-les …
Un terroir contrasté pour une identité partagée
Le vignoble de Visan se compose globalement de deux types de terroirs distincts, aisément discernables par leur relief. Ainsi, à l’ouest de son aire, des terrasses alluvionnaires composent un paysage ayant allure de plaine et qui se caractérise en surface par une importante matrice caillouteuse. Cependant, c’est en profondeur que se situent ses réels atouts : ceux de matériaux sableux avec une part d’argile variable, dont la capacité de rétention d’eau profite aux racines de la vigne, d’autant plus que l’horizon argileux se trouve à peine à quelques 2-3 m en sous-sol. Une telle configuration fait valoir ses avantages en cas d’année particulièrement sèche, comme 2017, où les vins ne se ressentent d’aucun stress hydrique.
De semblables qualités distinguent les vins issus de l’autre partie du vignoble, formée d’un ensemble de collines, dont la formation géologique est nettement plus ancienne. La végétation y est plus abondante et plus variée, avec notamment des surfaces boisées, tandis que la vigne occupe des coteaux et replats orientés au sud. Ses sols sont également spécifiques, basés sur des grès affleurants, dont la décomposition est de nature argilo-sableuse, aisément pénétrable par les racines et radicelles. Appelés localement safres, ces terrains se retrouvent sur une majorité de terroirs de Châteauneuf-du-Pape, et parmi les plus légendaires d’entre eux, avec la finesse inhérente à ce type de terroir.
Ainsi, la diversité apparente du terroir de Visan ne trouve pas de correspondance flagrante dans les vins, la nature des sols permettant de satisfaire et de réguler un régime hydrique dans toutes les configurations de son relief. A ce bénéfice s’ajoute celui du climat régnant sur l’Enclave des Papes, confondu avec celui de la Drôme provençale, où le régime méditerranéen s’exerce sans extrêmes, avec toutefois une influence importante du mistral en faveur de l’ensoleillement et de la salubrité de l’air, des facteurs bénéfiques pour la vigne. Les secteurs plus en altitude, pouvant culminer à près de 400 m, connaissent un différentiel thermique sensible, d’environ 3° C, comparativement à la partie basse du vignoble. Cet écart profite doublement à la température ambiante, atténuant la chaleur estivale tout comme le froid hivernal. Entre autres incidences, ce méso-climat a pour effet de prolonger le cycle de maturité à l’avantage des précurseurs d’arômes.
La surprenante vitalité des rouges
Les vertus du terroir de Visan conjuguées à l’habileté des vignerons engendrent des expressions sans penchant généreux malgré une maturité sans compromis. Aussi, leur équilibre est-il sans faille et leur nature fruitée revêt aisément un profil savoureux, souvent gourmand, s’agissant des rouges, l’essentiel de la production de l’AOC (plus de 90 %). Dans ce contexte, la syrah n’y atteint jamais l’opulence et forme avec un grenache souverain une alliance à son meilleur. D’ailleurs, la plasticité du terroir fait qu’elle permet l’usage de la syrah en forte proportion, au point de façonner presque entièrement une cuvée. Il faut souligner que l’acclimatation du cépage au contexte visanais est patent, ainsi qu’en atteste tout un patrimoine de vignes cinquantenaires issues de sélection massales et non clonales. De surcroît, les réserves d’eau souterraines permettent généralement l’épanouissement du mourvèdre qui, avec le carignan, pigmentent le traditionnel duo grenache-syrah et élargissent d’autant leur registre sensoriel.
Ainsi l’ensemble des cépages usités fait valoir le brillant de leur fruit, exprimé sur des registres évoquant volontiers des fruits rouges (framboise, cerise), s’agissant de compositions où domine le grenache, c’est-à-dire la grande majorité des rouges. Cependant, leur expression ne saurait renier une indéniable filiation rhodanienne, discernable dans leur accent d’épices ou leur parfum de garrigue. Au-delà de cette identification, les dignes représentants de ce terroir répondent au profil attendu d’un « Villages », avec de l’étoffe et une notable richesse de goût, tandis que les cuvées les plus accomplies déploient ces qualités sans ostentation, se prévalant simplement d’une finesse et d’une dimension supplémentaire. Et ce qui réunit remarquablement l’ensemble est cette qualité tannique ressentie comme un point d’orgue et moins comme un effet structurant chez les meilleurs interprètes du terroir. Enfin, à l’aune des millésimes dégustés, on peut dire que leur tenue dans le temps n’est pas un moindre atout, puisque les 2016 encore disponibles ne sont pas rares et présentent un fruit alerte et d’une acuité remarquable.
Production marginale s’il en est, celle des blancs n’en est pas moins soignée. Et si elle s’avère moins homogène qu’en rouge, elle n’en présente pas moins un grand intérêt, avec une forme d’équilibre ainsi qu’une teneur comparables. Les expressions ayant retenu mon attention présentaient une nature aromatique sur la fraîcheur, réjouissante au nez comme au palais avec une impression de suavité et une constante tonique et minérale.
Encore plus confidentiels, les rosés se détournent quelque peu de l’air du pays, chacun reflétant le parti de son vigneron, avec cependant un alignement sur la tendance dominante des robes claires, et sur un caractère plus vineux que le « modèle » provençal.
#Visan#rouge#florilège
Une dégustation impartiale et exhaustive de vins rassemblés par l’association Les Vins de Visan m’a permis de distinguer les producteurs suivants, que je présente à travers les cuvées qui ont agréablement retenu mon attention et parfois enthousiasmé !
Classement par ordre alphabétique …
Domaine de la Bastide
Dans cette propriété typique des terrasses visanaises, les vignes se répartissent autour d’une ancienne bâtisse fortifiée remontant à l’époque des Templiers. Lorsque l’on sait que l’importance du vin dans le quotidien des moines, on mesure l’ancienneté de la viticulture à son endroit. Le métier est d’ailleurs ancré dans la famille Boyer qui acquiert le domaine en 1988. Alors partiellement adhérent à la coopérative, le domaine s’en émancipe complètement en 2002. Prenant la suite de Robert Boyer, c’est aujourd’hui son fils Vincent qui l’exploite dans la cadre d’une conversion à l’agriculture biologique, en cohérence avec la conduite de son autre pôle viticole sur la commune de Suze-la-Rousse, lui déjà certifié.
Ici l’expérience vigneronne a déterminé la vocation des parcelles en matière de couleur et de cépage. On constate ainsi que les blancs y sont particulièrement réussis, sauf que le vigneron a pris le parti de les classer en « simples » Côtes du Rhône. Pour autant, on ne peut qu’admirer la maestria faisant du viognier l’enjôleuse cuvée « Les 3 Filles ». Les dons de ce terroir s’étendent évidemment aux rouges et contribuent à des expressions étoffés et colorés, des syrahs plutôt âgées y jouant un grand rôle, a fortiori dans sa cuvée phare, La Gloire de Mon Père, qu’elle façonne presque intégralement. Elle est également bien présente dans le rouge Tradition, aux côtés du grenache et de vieux mourvèdres, dont le 2019 laisse apprécier l’éclat du fruité et le velouté tannique. Sa jeunesse n’empêche pas de l’apprécier en l’état.
Mon vin préféré : La Gloire de Mon Père > rouge 2018
Très coloré, il donne à la syrah un grand rôle, qu’elle joue d’emblée par un nez puissant au registre dominant typé (olive, tapenade…) et d’une notable complexité, oscillant entre des notes de fruits rouges (cerise burlat), d’épices douces, de poivre, qu’un séduisant registre boisé et vanillé couronne. Perçue dans un volume peu commun, sa substance fait d’autant mieux valoir sa concentration et la dispense suivant un goût onctueux et pénétrant mariant fruits noirs et notes douces et torréfiées. Fins et soyeux, les tanins signent la jeunesse du vin par une astringence légère et stimulante.
Tradition rouge 2019 : 7,00 € – La Gloire de Mon Père rouge 2018 : 9,50 €
Domaine Coste-Chaude
Du notariat à la viticulture, voilà un parcours pour le moins singulier et un défi que Vincent Tramier paraît avoir pleinement relevé. En effet, repris très récemment, en 2018, le domaine suit fidèlement la trajectoire d’excellence sur laquelle l’avaient placé ses précédents propriétaires. Implanté au lieu-dit éponyme, sur le secteur le plus en éminence de Visan, ses vignes ont pour écrin un paysage scandé de chênes-lièges, favorisant une riche biodiversité. Gagnantes dans ce terroir frais au sols caillouteux et doués d’argiles, les vignes plus âgées délivrent toute la sève qui fait ses cuvées les plus complètes, tant en rouge qu’en blanc. L’agriculture biologique est l’auxiliaire de la démarche garantissant un fruit qui est l’objet d’une attention particulière de manière à préserver son potentiel sensoriel. En cela, le mode d’élaboration des vins suit une méthodologie précise et soignée, profitant à bon escient des apports du bois, tout en se gardant de ses artifices.
Soucieux de marquer de son empreinte la reprise du domaine, Vincent Tramier créé d’emblée deux cuvées, dont l’une est le premier rosé portant son étiquette et baptisé L’Entracte. Perçu comme un vin blanc dans sa texture, le 2019 se distingue par un fruit tonique, plaisant et original dans son essence (pulpe de grenade). L’autre création est véritablement un blanc d’inspiration hédoniste, L’Octave, d’une composition singulière, faite d’un grenache presque pur. Il rejoint ainsi le blanc préexistant, Trilogy, fruit de trois cépages, comme son nom le laisser supposer, plantés dans une même proportion sur une seule parcelle. Cette « communion » à la vigne engendre une fusion harmonieuse dans son produit, dont le 2018 délivre une expression enjôleuse, embaumant une myriade de nuances d’une douceur florale, sur un léger accent anisé et « saupoudrées » d’un nuage minéral. Une texture fraîche et gracieuse parachève un ensemble où une sève acidulée et de nobles amers agissent à son avantage. Cadet de la gamme en rouge, Madrigal arbore un style primesautier mais sans caractère superficiel, plaisant par sa gourmandise tout en se prévalant d’une fraîcheur que lui insuffle une essence mentholée. La joliesse et finesse des tanins ajoutent à ce tableau épicurien. A son opposé, pour ainsi dire, La Rocaille n’est produit que les années fastes pour le grenache, qui le modèle très largement. Son exception réside aussi dans l’âge vénérable des vignes à sa source, plantées de surcroît au point le plus élevé du vignoble. Ce schéma ambitieux se poursuit dans son mode d’obtention, sans pour autant verser dans une technique outrancière. Et c’est une suprême fraîcheur de constitution qui qualifie sa dernière édition en date, le 2017 ; ses autres qualités étant à l’avenant.
Mon vin préféré : L’Argentière > rouge 2017
Cette cuvée est comme l’alter égo de « La Rocaille », dans le sens où les proportions de sa composition sont inversées, la syrah se substituant au grenache dans le même rapport (80 % contre 20 %).
Sa profondeur aromatique attire et fascine par sa vitalité. Cette approche feutrée contraste avec remarquable dynamique en bouche, mettant en valeur une texture fine et suscitant un équilibre en harmonie avec sa nature puissante. Cette conjonction de caractères profite au délice du fruit (fruits noirs, olive, réglisse), tandis que sa matière est gâtée par le velours de tanins autrement délectables.
L’Entracte rosé 2019 : 8,80 € – L’Octave blanc 2019 : 11 € – Trilogy : 16 € – Madrigal rouge 2018 : 10,50 € – La Rocaille rouge 2017 : 16 € – L’Argentière : 16 €
Domaine La Florane
Au faîte de l’appellation, ce domaine doit beaucoup à des facteurs naturels, ainsi une position géographique privilégiée, au point de plus élevé du pays de Visan, doublée d’un environnement boisé et de sols où l’argile nourricière ne manque pas. Adrien Fabre est le révélateur de ce terroir, et le fait d’une manière consciencieuse et avisée, conduisant ses vignes suivant les principes de la biodynamie tout en en jouant sur la pluralité et la maturité des cépages. Ainsi obtenu, le fruit de son vignoble est choyé dans une cave d’une conception intelligente, fonctionnant sur un principe gravitaire et dotée de contenants favorisant le naturel des expressions. Dans cette même quête, l’élaboration des vins suit des méthodes peu interventionnistes. En cela, le vigneron se réfère aussi au savoir des « anciens », qu’il a d’ailleurs appliqué en amont en revenant au mode de plantation en gobelet.
Le talent d’Adrien Fabre s’exprime avec un égal succès dans les trois couleurs et surprend même s’agissant du rosé. Il est vrai que dans le contexte visannais ce dernier est très peu produit (à peine 3% des volumes) et n’implique pas forcément les vignerons. Il en va autrement à La Florane, où sa production est comparativement très importante. L’engouement que suscite A Fleur de Pampre auprès de son public vient d’une conception habile et particulièrement soignée, depuis le choix de l’assemblage jusqu’à son mode d’obtention par multiplication des pressurages. Son auteur le qualifie modestement de « rosé de terroir conçu pour le marché ». Ainsi, dans le 2019, la joliesse du fruit n’a d’égale que la sensation de fraîcheur qu’il procure. De surcroît, ni vineuse ni évanescente, sa texture rappelle celle du blanc du même nom, résultant lui aussi d’un schéma d’élaboration maîtrisé de bout en bout, cristallisant le fruit de parcelles moins ensoleillées et combinant pas moins de six cépages. A Fleur de Pampre blanc 2019 s’avère être un vin élégant et sapide dont le goût pur et intense épouse les grands reliefs animant sa forme. Dans cette même gamme, le rouge 2019 séduit par son tempérament littéralement croquant, avec tous les traits identifiant ce caractère et l’agrément d’un profil invitant à le déguster en l’état, sans spéculer sur son avenir.
Mon vin préféré : Terre Pourpre > rouge 2018
Les meilleurs atouts du domaine façonnent cette cuvée de très vieux grenaches plantés sur les parcelles les plus en altitude et dont les sols d’argiles rouges sont parsemés de galets roulés. Ce terroir providentiel profite même au mourvèdre qui complète sa composition. L’élaboration de ce rouge se veut à sa hauteur et s’applique à une matière première intègre où toutes les rafles sont conservées.
Il captive d’emblée par une éblouissante fraîcheur doublée d’un raffinement aromatique hors pair, défini par un registre mariant fruits rouges et parfum de garrigue. L’impression au palais est du même ordre, inspirant plénitude et fluidité, signes d’un équilibre achevé, propice à l’expression d’un fruit d’une haute teneur, qu’une parure tannique transpose dans son grain savoureux.
A Fleur de Pampre > rosé 2019 : 9,50 € – blanc 2019 : 9,50 €. – rouge 2019 : 9,50 € / Terre Pourpre 2018 : 16 €
Clos des Mûres
Noémie Pouizin est une jeune vigneronne qui communique sa sensibilité à travers des rouges gorgés d’un fruit sans pareil sur l’appellation, cela sans friser l’opulence. Son terroir y est pour beaucoup dans ce caractère, surtout qu’elle l’exploite en agriculture biologique enrichie de préceptes de la biodynamie. Distinct par nature, son blanc 2018 Terre de Partage présente néanmoins une expressivité similaire, axée sur la fraîcheur et traduite par un fort accent mentholé. En outre, sa forme très harmonieuse frise la perfection, illustrant un mariage viognier-roussanne-clairette des plus réussis. Le rouge Terre de Partage symbolise avec éloquence le style du domaine par une profusion de fruit exprimée à la mesure d’une expression fougueuse. Charmeur et gourmand, le 2016 ne paraît pas son âge.
Mon vin préféré : Terre de Vie > rouge 2016
Cette cuvée représente le cœur qualitatif du domaine, situé au lieu-dit Garrigon et planté de vieux grenaches et de rares syrahs cinquantenaires, issues de sélection massale. Il s’agit d’un vin sans sulfites ajoutés.
Il s’ouvre sur des arômes charmeurs d’essence florale évoquant l’églantine, et des nuances gourmandes de fruits rouges d’où émerge une senteur framboisée. C’est ce dernier registre qui qualifierait le mieux les saveurs généreuses inondant une bouche harmonieuse dans son équilibre et pulpeuse dans sa texture. En outre, leur rémanence est telle qu’elle imprègne de son fruit des tanins sapides et satinés.
Terre de Partage blanc 2018 : 8 € – rouge 2016 : 12 € / Terre de Vie rouge 2016 : 14 €
Domaine Roche-Audran
Héritant d’une longue tradition familiale, Vincent Rochette exploite majoritairement des vignes sur Buisson, commune limitrophe de celle de Visan, où il en possède à l’endroit des Garrigues, autrement dit sur les terrasses alluvionnaires. Là, le vignoble croît entre chênes verts, lavande et… garrigue, sur un terroir « solaire » moins propice aux blancs, faisant que notre vigneron n’en produit pas. Initialement fruits de l’agriculture biologique, ses vins gagnent à présent des bienfaits de la biodynamie, dont l’expérience excède une décennie. De justes vinifications s’accordent à ces modes culturaux, que la métaphore du vigneron, « on accompagne les vins », convainc mieux qu’un exposé technique sur la modération des extractions. Cette démarche contribue à épanouir le fruit et à accroître ses nuances, au bénéfice du plaisir qu’il engendre. Représentative de sa production, la cuvée Tradition incarne le type même du rouge séducteur, avec un penchant gourmand et un naturel d’expression où l’on savoure la franchise du fruit, tout comme une légère mâche de jeunesse, s’agissant d’un 2019.
Mon vin préféré : Marius > rouge 2017
Sa distinction aromatique s’exprime par des exhalaisons toutes en nuances, sur des notes fleuries et de baies, et le soupçon d’un boisé singulier. Cette approche charmeuse se prolonge par un équilibre superlatif en bouche, avec un drapé de fraîcheur dont l’effet ajoure magnifiquement une matière où le fruit fait écho aux arômes. Des tanins garnissent l’ensemble de leur délicatesse et succulence.
Tradition rouge 2019 : 9 € / Marius rouge 2017 : 15 €
Cave de Visan
L’accession de Visan au statut respectable de « Villages » doit tout à cette coopérative fondée à l’heure de la naissance du label Côtes du Rhône (1937). Longtemps en situation de quasi monopôle sur le cru, son étoile s’est amoindrie à mesure de l’émergence de caves particulières, pour certaines brillantes. Pour autant, cette « concurrence » n’a pas entamé un parcours vers une meilleure maîtrise de son potentiel par une identification de son parcellaire et sa hiérarchisation/valorisation au profit de sa production en Visan. Et même si l’adoption de l’agriculture biologique n’est pas marginale, elle vaut surtout pour ses Côtes du Rhône et s’applique suivant un protocole de parfaite traçabilité, y compris sur le plan des équipements. Appliqué de longue date, à compter des années 90, cet ensemble de mesures et d’engagements est en train de gagner une nouvelle dimension grâce à une jeune génération de responsables techniques. Les tous derniers millésimes attestent de cette mutation qualitative.
Sur la foi des 2017, sa gamme Grande Réserve, la plus significative de sa production, comporte des rouges de bonne facture, tandis que la version en bio offre un supplément de fraîcheur appréciable. Quant aux autres couleurs, elles dénotent une élaboration soignée avec un rosé 2019 et surtout un mirifique blanc 2019, intensément parfumé et d’une grande pureté, fait d’une chair gourmande et de suavité minérale. Autre signe de la progression de la cave, la cuvée Notre-Dame-des-Vignes 2018 valorise une sélection supérieure des raisins par son ampleur et son étoffe, un caractère souple sur un fruit précis et vivace. Dégustés dans le millésime 2016, à l’ère de son « ancienne école », les hauts de gamme témoignent d’un indéniable savoir-faire et d’une année particulièrement faste pour la vigne. Ainsi la Cuvée du Marot, d’un style traditionnel dans le meilleur sens du terme, intègre dans une conception où l’épanouissement se gagne au fil du temps. Et si un trait d’opulence parcourt son expression, la vitalité du fruit est là, avec comme un air de pinot noir !
Mon vin préféré : Confrérie Saint-Vincent > rouge 2016
Un nez velouté, avec de la gourmandise et joliment épicé forme le préambule engageant d’un vin-plaisir, parfaitement agencé pour sa vocation et dont la chair se laisse longuement savourer en laissant apprécier les contours aimables d’une fine structure.
Grande Réserve > rouge 2017, rosé 2019 : 6,40 € – rouge 2017 bio : 8,05 € – blanc 2019 : 6,70 € / Notre-Dame des Vignes 2018 : 7,80 € / Cuvée du Marot 2016 : 10,90 / Confrérie Saint-Vincent 2016 : 11,90 €
Cette publication doit beaucoup au concours de l’association Les Vins de Visan, et tout particulièrement à son animatrice, Marie-Pierre Delpeuch. Qu’ils en soient remerciés.
L’auteur de l’article :
Diplômé en histoire de l’art, Mohamed Boudellal est journaliste et consultant en vins. Il a écrit pour la presse spécialisée, principalement pour la Revue du Vin de France et d’autres titres comme L’Amateur de Bordeaux, Gault & Millau et Terre de Vins. Il est co-auteur dans l’édition 2016 du « Grand Larousse du Vin ».
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