Les promesses de Vacqueyras
Beaucoup de grenache, l’indispensable soleil qui va avec, de vastes terrasses balayées par le mistral et en toile de fond les Dentelles de Montmirail : bienvenue à Vacqueyras, pas le plus connu des crus du sud de la vallée du Rhône mais une appellation qui vaut le détour.
Si vous déposez des amateurs un peu épris de vins de la vallée du Rhône au carrefour de la D8 et de la D7, beaucoup prendront au nord, direction Gigondas, son village de charme, sa citadelle perchée et ses vins rouges réputés au caractère bien trempé. Et puis, il y a les distraits, les curieux ou les initiés. Ceux-là prendront peut-être à droite, plein sud, direction Vacqueyras. Ce village discret n’a peut-être pas le charme de son voisin, et ses vins restent moins côtés mais l’appellation grignote tranquillement son retard. Vacqueyras est un des crus les moins connus du sud de la vallée du Rhône. Situé dans le Vaucluse, à une trentaine de km au nord-est d’Avignon, son vignoble s’étend sur des terrasses qui remontent légèrement au pied des Dentelles de Montmirail avec une vue panoramique sur tous les reliefs de la région dont l’imposant Ventoux plein est. Depuis que l’appellation a quitté le peloton des côtes du rhône villages en 1990, elle a fait ce qu’il fallait pour justifier son rang de cru avec une aire d’appellation réduite et une baisse drastique des rendements. Un pari qui ne pouvait être relevé qu’avec une montée en gamme des vins qui jusque-là étaient d’abord vendus à bas prix au négoce. Christian Vache du domaine de la Monardière se souvient « qu’au début des années 1990 tout était à faire. On était quelques-uns à monter à Paris pour faire connaître nos vins auprès des cavistes et des bars à vin ». Dans ce petit groupe de défricheurs, il y avait aussi Serge Férigoule du domaine du Sang des Cailloux, entré en tant qu’employé et qui racheta l’affaire en 1990. Ces deux domaines, toujours au sommet de l’appellation, et quelques autres comme Les Amouriers, ont montré la voie. Beaucoup d’autres ont suivi. Vacqueyras compte aujourd’hui 83 caves particulières, et continue de faire naître de nouvelles vocations. Depuis les années 90, la situation a bien changé et on vit aujourd’hui très correctement de la vigne. La baisse des rendements par pied a été largement compensée par une meilleure valorisation des vins, rarement vendus en dessous de 8 euros, et bien plus pour les cuvées haut de gamme. Maxime Bernard, président de l’appellation et propriétaire du domaine de la Garrigue, explique que le passage en cru « que l’on a voulu, nous a obligé à mieux travailler. On était inconnu il y a 20 ans mais aujourd’hui Vacqueyras est un nom plutôt facile à vendre. On a une petite récolte et les prix restent accessibles ». Le plus dur est donc fait mais les chantiers ne manquent pas. « On est un peu à l’écart. Il faut attirer les gens, les faire venir à Vacqueyras, embellir la traversée du village, et surtout avoir un caveau syndical, où les gens peuvent déguster et se faire une idée des vins de l’appellation ».
Domestiquer le grenache
Comme signe de cette bonne santé, toute l’aire d’appellations est quasiment plantée, soit près de 1400 ha. Le vignoble se compose de multiples parcelles réparties sur les communes de Vacqueyras et Sarrains. Depuis la rivière de l’Ouvèze, au sud-ouest, le vignoble recouvre des terrasses de cailloux et grimpe modestement sur des pentes sableuses et gréseuses plus ou moins mêlés de cailloutis avec quelques poches calcaires sur les hauteurs. Avec 2800 heures d’ensoleillement par an, Vacqueyras ne manque pas de chaleur. Les rares pluies d’été et les rosées matinales sont balayées par le mistral qui souffle à loisir sur ces terrasses découvertes. Les vignerons ont donc peu à craindre des maladies et la culture biologique fait logiquement de plus en plus d’adeptes. On produit quelques blancs (3%) et rosés (2%) mais Vacqueyras est d’abord un terroir à rouge : le grenache y murît vite et bien, plus précocement qu’à Gigondas, et forge le caractère des vins rouges locaux souvent en association avec la syrah. Si on accepte les généralités, ils n’ont ni la puissance des chateauneufs ni la fermeté des gigondas mais ont pour eux une belle suavité d’arômes et de structure qui les rend souvent aimables dès leur jeunesse. Chez les bons vignerons qui ont depuis longtemps pris le parti de juguler les rendements, toute la difficulté est de domestiquer la fougue et le degré du grenache qui tend à s’emballer en fin de maturation. Le risque est le degré de trop, l’excès de chaleur, le fruit trop mûr, les tanins secs, bref le manque d’équilibre et de plaisir en bouche. Au domaine de Montvac, Cécile Dusserre vous expliquera qu’il faut vendanger au bon moment, infuser plus qu’extraire, et ne pas hésiter à mettre une touche de cépages blancs dans ses assemblages. « Je n’ai rien inventé, les anciens l’ont toujours fait ». Il faut goûter la cuvée Variation pour avoir un bel exemple de grenache accompli, à la fois puissant et charnu mais croquant et plein de relief. A la Monardière, Christian Vache se souvient « qu’il y a 40 ans on a supprimé les cépages qui ne faisaient pas de degrés. Aujourd’hui on cherche à les réintroduire ». « On a replanté du cinsault, mais il y a aussi le carignan et la counoise qui peuvent tempérer la puissance du grenache. Pour le reste « il faut faire respirer les sols, et en cave on ne foule pas, on ne pige pas, et on fermente à basse température ». Bref on soigne le fruit et cela se sent dans les 2 Monardes 2010, une cuvée dont on aime la suavité, la texture capiteuse et les belles notes de fruit mûr, de zan et de cuir. Chez les Saurel, au domaine de Montirius, on est convaincu depuis longtemps que ce sont des sols vivants qui font des vins vivants. Leurs vins possèdent un supplément d’âme, très vibrants, fermes dans leur jeunesse, bien bâtis et capables d’évoluer avec grâce. Le Clos 2011 (grenache, syrah) respire les épices, l’intensité et la fraîcheur. On aura d’autres belles et fortes sensations avec la gamme de Serge Féroule, du Sang des Cailloux, dont la cuvée Lopy fait toujours référence : un vin sauvage, puissant, complexe issu de vieilles vignes de grenache. Ces ténors de l’appellation ne font pas oublier les petits nouveaux comme Coralie Onde qui a récupéré les parcelles familiales et racheté quelques autres pour former le Domaine de la Ganse en 2008. Comptable de formation, celle « qui ne savait pas ce qu’il ne fallait pas faire » a vite appris et signe une seule cuvée, la Ganse, dont le 2012 est une pure gourmandise, fraîche et pulpeuse qui prouve que l’AOC sait aussi produire des vins friands. De bonne augure pour la suite.
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