Revue de livre : Robert Parker, Anatomie d’un Mythe
La semaine dernière, nous vous avons présenté « Le Goût et le Pouvoir » par Jonathan Nossiter. Cette semaine, nous vous présentons « Robert Parker, Anatomie d’un Mythe »par Hanna Agostini et Marie-Françoise Guichard.
Robert Parker, Anatomie d’un Mythe, par Hanna Agostini et Marie-Françoise Guichard (Scali document, 2007)
On pourrait prendre ce livre comme une sorte de portrait (non autorisé) du célèbre critique de vin. Mais il ne s’agit pas tant de l’homme que de son système et ce qui l’entoure. Une des auteurs pourrait être accusée de vouloir régler quelques comptes, car Hanna Agostini a longtemps travaillé pour Parker. Mais ce livre évite assez bien ce genre de piège, soulignant autant les qualités de Parker (sa capacité de travail en matière de dégustation, en particulier) que ses défauts.
Les défauts sont presque inhérents à tout « système », et celui de Parker ne fait pas exception. Apôtre d’une indépendance farouche, il subit, nolens volens, l’influence de quelques amis et « fournisseurs » d’échantillons. Car l’homme ne peut pas tout goûter, aussi surhumaine semble être sa capacité. Il délègue de plus en plus, et se fait aider dans la présélection. Car présélection il y a.
Ce livre comporte aussi une critique très détaillée des ouvrages publiés sous la signature de Parker, et particulièrement dans leurs versions françaises. On souligne, par exemple, le fait que ses livres sont constitués en grande partie de «copier/coller » à partir de sa lettre bimensuelle, The Wine Advocate. Et que les révisions entre éditions successives sont loin d’avoir le degré de perfection que le public est en droit d’attendre d’un livre vendu à ce niveau de prix. Imprécisions, erreurs factuelles, et non-révision des dates de consommation des vins dégustés il y a longtemps, semblent être monnaie courante dans les guides Parker. Agostini connaît parfaitement la question, puisqu’elle a longtemps traduit les livres de Parker ! C’est assez scandaleux pour des livres qui se prétendent être des sortes de références et qui se vendent très bien.
Si la lecture d’Anatomie d’un Mythe est parfois un peu indigeste, il révèle parfaitement les limites et les travers du système Parker. Il pointe le rôle des amitiés, et indique les influences que certains négociants ou producteurs/consultants peuvent avoir sur Parker, en dépit de ses proclamations d’indépendance. Et on peut aussi confirmer qu’il ne déguste pas les vins à l’aveugle, donc son positionnement d’impartialité parfaite ne semble pas crédible. Mais, quelque part, on sent que les auteurs regrettent que Parker ait un peu trahi son idéal d’une critique totalement indépendante, infaillible et donc faisant « autorité ». L’illusion même d’une telle prétention n’est pas abordée. Dommage, car cela mériterait bien débat.
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