Rosir de plaisir : l’essentiel est dans le verre
Mettons les choses au point pour commencer. J’aime beaucoup les (bons) vins rosés, c’est à dire, pour faire simple, ceux qui me plaisent. Et cela d’où qu’ils viennent. Je ne travaille pour aucun comité interprofessionnel : seuls mon goût et l’intérêt du consommateur éclairent mes choix.
Je dois dire mon étonnement devant l’indignation actuelle de certains producteurs de vin rosé, surtout de Provence (il est utile de rappeler que cette région est en train de mettre presque tous ses œufs dans un même panier rose), mais aussi d’Italie (Bardolino), face au projet européen de légaliser la pratique de l’assemblage d’un peu de vin rouge avec une majorité de blanc pour faire des rosés dans la catégorie des vins de table et vins de pays. Ce projet a d’ailleurs été approuvé par le Ministère de l’Agriculture français qui maintenant retire sa parole devant l’ire de certains producteurs. Pourquoi ce cafouillage ?
Pour les lecteurs qui veulent d’abord savoir comment on fait un vin rosé, je les réfère à la leçon n° 7 de ce site (Le vin rosé), ou bien à l’excellent article qui traite du sujet, et dans beaucoup de ses aspects, sur Wikipedia.
Je passe sur l’absurde slogan publicitaire des vins de Provence qui laisse entendre que le rosé aurait été « inventé » dans cette région. Tout historien du vin confirmera (et l’article cité dans Wikipedia est parfaitement clair sur la question) que les premiers vins étaient, selon toute probabilité, de couleur rose, et cela quelques milliers d’années avant que les phocéens mettent le pied (de vigne) en Provence. Plus tard, Bordeaux exportait de vastes quantités de vin rosé (les « clairets ») bien avant que la Provence ne soit reconnue pour ses vins.
Mais le fond de la question doit être : peut-on affirmer que les vins rosé produits avec telle ou telle technique (assemblage, pressurage directe, saignée, ou un mélange de plusieurs de ces techniques) seront nécessairement supérieurs aux autres ? Je ne le crois pas. De très grands Champagnes rosés sont produits en assemblant vins rouges et blancs, et je suis convaincu que certains producteurs de bons rosés dans d’autres régions « ajustent » parfois quelques cuvées avec un peu de blanc (ou de rouge) de belle facture pour l’améliorer. Où est le mal ? Dans la mesure où tout est du vin (et du bon), et issu du même domaine (ou de la même appellation), je n’en vois pas.
Un autre aspect de la question est que personne à Bruxelles ne propose d’imposer la technique de l’assemblage aux AOC. On ne parle que des vins de table et des vins de pays. Cela pourrait même « valoriser » les AOC qui choisissent d’autres techniques. Et il faut aider TOUS les vignerons à s’adapter aux contraintes du marché en ce moment, dès lors que cela ne met nullement en cause la santé du consommateur. Le consommateur choisira toujours ce qu’il préfère mais le prix fait partie intégrante de ses motivations. Je constate que, dans un segment (les vins rosés) en forte augmentation, les vins rosés français ont reculé de 9% en volume sur le marché britannique en 2008 quand les rosés californiens progressaient, eux, de 17%. Ce ne sont malheureusement pas les rosés de Provence (à cause de leur prix) qui vont sauver la mise.
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